Indice1. Introducción3. Le jeu et les joueurs4. Les r_gles du jeu de balle5. La balle6. Les joueurs7. Les sculptures du terrain8. Les marqueurs9. Les sculptures _ tenon10. Les anneaux11. Les panneaux12. Le terrain et le Cosmos13. Le terrain, image du Cosmos14. Les structures associées aux terrains15. Conclusion16. Bibliographie17. Notas
Actualmente, Nicolas Balutet es profesor de espa_ol por el "Lycée Marc Bloch" de Bischheim (Estrasburgo, Francia). Especialista en Historia de la América precolombina así como en Literatura hispanoamericana, es el autor de varios artículos entre los cuales destaca "Etude d’un document ethnographique: Le Popol Vuh et le jeu de balle dans l’aire maya", Cahiers Ethnologiques. Histoires et Cultures, "Sentiers sans Maîtres", Bordeaux, n°21 (Nouvelle Série), 1999, pp. 15-28. Está preparando un estudio sobre la homosexualidad amerindia en las crónicas del Nuevo Mundo.
Résumé. _ Plus qu’un simple sport, le jeu de balle tel qu’il était pratiqué dans l’aire maya avant la conqu_te espagnole, possédait une dimension religieuse. A travers l’étude du mythe maya-quiché – le Popol Vuh – et de divers éléments directement liés aux terrains et au jeu, sont analysés ici trois aspects fondamentaux du symbolisme du jeu de balle: l’importance des astres – le Soleil et la Lune -, le cycle du ma_s et la pratique du sacrifice par décapitation.
Resumen. _ Más que un deporte, el juego de pelota practicado en el área maya antes de la conquista espa_ola, poseía una dimensión religiosa. A través del análisis del mito maya-quiché – el Popol Vuh – y de diversos elementos vinculados directamente a los terrenos y al juego, se analizan aquí tres aspectos fundamentales del simbolismo del juego de pelota: la importancia de los astros – el Sol y la Luna -, el ciclo del maíz y el uso del sacrificio por decapitación.
"The ballgame is a national pastime that is almost a national religion. It is many things to many people. To the school child it is only a game. To the gambler it is a system of probabilities or odds arrived at after methodical consideration of batting averages, left-handed pitchers, weather conditions, and stadium construction. To the professional player it is a business. To the coach it is a science. To the Americanist it is a link with the past".
Charles Wicke
Le cél_bre anthropologue suédois Sigvald Linné disait que "le passé est comme un livre o_ il y a beaucoup de pages blanches et o_ d’autres sont difficiles _ déchiffrer". C’est précisément une de ces pages, intitulée "le jeu de balle", que j’ai essayé de lire. Page centrale, le jeu de balle constitue, pour reprendre l’expression de Nicholas Hellmuth, une véritable coupe transversale des cultures méso-américaines. En effet, l’épigraphie, l’iconographie, la cosmologie, l’archéoastronomie ou bien l’architecture ne forment qu’une seule et m_me équipe sur le terrain, faisant du jeu de balle le lieu de rencontre des différents champs d’étude d’une culture. Il ne s’agit donc pas seulement d’un sport comme l’on serait tenté de penser au premier abord. Bien que cette facette ait existé _ c’est d’ailleurs le seul aspect qui perdure de nos jours _, le jeu de balle était une activité beaucoup plus complexe car il avait trait directement _ la religion et aux idées cosmologiques des peuples méso-américains. C’est sur ce point que se centre la présente étude; autrement dit, j’ai cherché _ définir le ou les symbolismes du jeu de balle.
Comme la Méso-Amérique est une aire tr_s importante, et indépendamment de préférences personnelles, j’ai souhaité limiter mon travail _ l’étude du symbolisme du jeu de balle dans l’aire maya. En effet, cette culture présente l’évident avantage d’avoir traversé les trois périodes fondamentales de l’Histoire de l’Amérique préhispanique, c’est _ dire le Préclassique, le Classique et le Postclassique. La plupart des autres cultures méso-américaines connurent une durée d’existence moindre et occup_rent un espace plus réduit. L’aire maya permet ainsi de pouvoir mieux apprécier les évolutions du jeu.
Depuis une vingtaine d’années, les connaissances relatives au jeu de balle tel qu’il était pratiqué dans l’aire maya avant la conqu_te espagnole ont sensiblement progressé tant par la tenue de nombreux colloques et symposiums internationaux que par les recherches archéologiques in situ. Bien que les chercheurs nord-américains et mexicains aient apporté l’essentiel de ces nouvelles données, la France n’est cependant pas en reste car Eric Taladoire, professeur _ l’U.F.R. d’Art et d’Archéologie de l’Université de Paris I, est, _ l’échelle mondiale, l’un des plus éminents spécialistes du jeu de balle. Sa th_se doctorale, publiée en 1981, reste d’ailleurs _ ce jour l’analyse la plus compl_te sur le sujet.
Parmi ces nouveaux renseignements, j’utiliserai principalement les données provenant de l’aire maya, mais je ne m’interdirai pas, le cas échéant, de faire appel _ celles d’autres peuples méso-américains. Les ressemblances ou différences pourront en effet _tre fort utiles. Notons d’ailleurs que si le Mayab est riche en éléments sculpturaux, il n’en va pas de m_me pour les documents du type codex. L’étude des données du Mexique central et de la côte orientale aideront _ mieux cerner le jeu de balle.
Cet essai comprend trois parties: "Le jeu et les joueurs" dans laquelle j’analyse essentiellement les instruments et les v_tements des joueurs (balle, jougs, haches, palmes, pierres _ main); une deuxi_me partie consacrée _ l’étude des quatre types de sculptures directement liées aux terrains de jeu de balle; et enfin, "le terrain et le Cosmos" o_ j’essaie de montrer que le terrain n’est pas un simple stade mais plutôt un temple. C’est une étude sensiblement orientée vers l’analyse iconographique et architecturale. Cependant, je mettrai aussi _ profit un petit texte sacré comprenant les idées cosmologiques des Mayas: le Popol Vuh.
La présente publication poursuit deux objectifs: apporter des réponses concernant le symbolisme du jeu de balle dans l’aire maya, et permettre au plus grand nombre _ je pense en particulier aux étudiants _ de découvrir, _ travers un aspect particulier de la culture maya, ce peuple fascinant et, au del_, la Méso-Amérique préhispanique. Ma propre expérience m’a encouragé dans cette voie. En effet, alors que je souhaitais aborder la Gr_ce antique pour les besoins d’un projet d’étude américaniste, je me vis confronté aux limites qu’imposent mes connaissances dans ce domaine, tant au point de vue géographique que historique et linguistique. C’est pourquoi, je propose au lecteur novice de nombreuses explications en notes ainsi qu’un glossaire _ la fin de cet ouvrage afin qu’il puisse suivre les idées et qu’il ne se trouve pas dérouté face _ des termes ou des notions inconnus.
Aussi, commençons par déterminer les cadres géographique et temporel. La premi_re difficulté que rencontre toute personne intéressée par la culture maya réside dans la délimitation du Mayab. En effet, les chercheurs n’arrivent pas _ se mettre d’accord sur l’extension territoriale occupée par les Mayas _ l’époque préhispanique. Tout dépend en fait des crit_res que l’on consid_re: archéologiques ou linguistiques. Je ne veux pas entrer dans le débat mais retenir comme base géographique pour cet essai la combinaison de ces deux crit_res. Ainsi l’aire obtenue s’étend sur un territoire de quelque 325.000 km2, comprenant les actuelles républiques du Guatemala et du Belize, les états mexicains de Yucatán, Quintana Roo et Camp_che, la moitié orientale des états de Tabasco et Chiapas, ainsi que les bordures occidentales du Honduras et du Salvador.
L’occupation de ce territoire est tr_s ancienne, et date de la période lithique avec l’arrivée de bandes de chasseurs-récolteurs. Cependant, c’est seulement _ partir du premier millénaire avant Jésus-Christ que l’on peut parler véritablement de "culture maya". Pour établir les grandes périodes temporelles de cette aire se pose le m_me probl_me que pour le cadre géographique. Le tableau synoptique ci-dessous expose néanmoins la classification la plus simple, et _ la fois la mieux acceptée par les spécialistes:
Préclassique Ancien: 2000/1000 avant J.C.
Préclassique Moyen: 1000/400 avant J.C.
Préclassique Récent: 400 avant J.C./200 apr_s J.C.
Classique Ancien: 200/400 apr_s J.C.
Classique Moyen: 400/600 apr_s J.C.
Classique Récent: 600/900 apr_s J.C.
Postclassique Ancien: 900/1200 apr_s J.C.
Postclassique Moyen: 1200/1450 apr_s J.C.
Postclassique Récent: 1450/1552 apr_s J.C.
Enfin, avec la permission de l’aimable lecteur, je souhaiterais remercier Maurice Birckel, María Jesús Mejías Alvárez, Nélida Gliemann et Manuel del Pozo Redondo qui m’ont apportées leur aide, soutien profitable et enrichissant en m_me temps que sinc_re et désintéressé.
Le jeu
L’origine du jeu de balle
Parler de l’origine du jeu de balle suppose que dans toute la Méso-Amérique, il n’y ait eu qu’une façon de jouer _ la balle : or cela est faux. L’exemple de Teotihuacán est révélateur _ ce sujet. En effet, les joueurs de cette Cité-Etat utilisaient des battes pour renvoyer la balle comme le démontrent les peintures du Tlalocán _ Tepantitla. L’espace de jeu était quant _ lui délimité par des st_les comme celle de La Ventilla. Rien de commun avec le jeu pratiqué dans l’aire maya o_ il était interdit de toucher la balle avec les mains ou les pieds, et qui se déroulait dans des terrains spécialement aménagés. De plus, sur une m_me aire culturelle, le jeu a pu évoluer au cours du temps ou selon les régions. Par exemple, la péninsule du Yucatán présente des terrains avec des anneaux, élément inconnu dans le reste du Mayab et qui introduisit une variante dans la mani_re de jouer. Aussi, il est impropre de parler d’un jeu de balle alors qu’il existait des jeux de balle. Dans ce contexte, peut-on dire que tous les jeux de balle de Méso-Amérique ont la m_me origine ?
Les premi_res traces de jeu de balle proviennent de figurines. Arturo Oliveros a découvert un groupe de huit figurines en terre cuite trouvées dans une tombe _ El Ope_o (Michoacán, Mexique), et datant du Préclassique ancien (1500 av. J.C.). Cinq hommes jouent _ la balle avec une sorte de bâton et trois femmes sont spectatrices. Cette sc_ne est la représentation la plus ancienne trouvée jusqu’_ présent. A Xochipala (Guerrero, Mexique), une figurine de joueur datant elle aussi du Préclassique a été trouvée, mais c’est dans l’altiplano mexicain, _ Tlatilco (Mexico D.F.) notamment, que le plus grand nombre de figurines fut découvert. Aux côtés des "mujeres bonitas" des joueurs arborent leur tenue caractéristique ou tiennent une balle dans la main. Ces découvertes sont _ rapprocher de la zone olm_que car vers le Préclassique moyen l’altiplano subit l’influence de ce peuple de la côte du golfe du Mexique. Ce qu’il y a de commun _ tous les jeux, c’est la balle de caoutchouc. Or, les Olm_ques, dont le nom signifie littéralement "les habitants du pays du caoutchouc", vivaient dans la principale région productrice de cette mati_re. De m_me, le plus vieux terrain connu appartient au site de La Venta (Tabasco, Mexique), et d’aucuns ont cru voir dans les magnifiques t_tes colossales l’image de joueurs de balle décapités. Ajoutons _ cela leur réseau commercial tr_s étendu et le fait que la culture olm_que soit la "culture m_re" de Méso-Amérique; d_s lors il me semble correct de penser que les jeux de balle n’ont eu qu’une seule et m_me origine. Les différences proviendraient des particularités de chaque région et de chaque culture qui aurait adapté le jeu selon ses propres crit_res. De la zone olm_que, le jeu de balle avec les idées religieuses et symboliques qui lui sont rattachées se serait propagé _ l’aire maya o_ il connut le plus bel essor. Sans doute la culture maya, l’une des cultures les plus riches et impressionnantes au monde, sut le magnifier. L’aire maya compte ainsi le plus grand nombre de terrains de toute la Méso-Amérique.
Bien que le jeu de balle pratiqué dans l’aire maya ait pu varier dans le temps et dans l’espace, il est possible de systématiser un certain nombre de r_gles. Ainsi, ce jeu opposait deux équipes qui se disposaient _ chaque bout du terrain, de part et d’autre d’un axe transversal qui servait de ligne centrale. Ce jeu était difficile car les joueurs ne pouvaient toucher la balle qu’avec les genoux, les coudes, les hanches ou les fesses, mais surtout pas avec les mains ou les pieds, ce qui aurait rendu le jeu beaucoup plus facile.
Le compte des points, dont le nombre était fixé d’un commun accord entre les joueurs avant une partie, se résume de la façon suivante: lorsqu’une équipe ne renvoyait pas la balle correctement (si elle sortait de l’aire de jeu ou qu’un joueur la touchait avec une partie du corps interdite), elle perdait un point au bénéfice de l’équipe adverse qui en gagnait un. Le compte des points dépendait donc uniquement des fautes de chacun, excepté dans le cas o_ le terrain possédait des anneaux. Dans ce cas-l_, comme l’ont abondamment décrit les chroniqueurs, la victoire était accordée automatiquement _ l’équipe dont le joueur avait réussi l’exploit tr_s rare – pour ne pas dire impossible – de faire passer la balle dans l’anneau correspondant _ son camp, et cela quel que soit le score _ ce moment-l_ de la partie.
Mena et Jenkins mentionnent l’existence de "Veedores del Juego", c’est _ dire des arbitres dont le rôle était de veiller au bon déroulement du jeu et de régler d’éventuels litiges. J’admets volontiers leur présence, mais j’ajouterai qu’il devait sans doute s’agir de pr_tres. En effet, astreints _ la recherche de la pureté avec tout ce que cela implique, les religieux étaient les seules personnes impartiales et capables de traduire le résultat de la partie.
Les pr_tres ainsi que les rois et les personnalités importantes observaient le jeu depuis la partie supérieure des structures latérales et terminales du terrain. Notons d’ailleurs que des temples et divers bâtiments appelés superstructures étaient construits sur de nombreux terrains de jeu de balle.
Le Popol Vuh
Il existe peu de documents mayas nous renseignant sur le jeu de balle. Les quelques codex mayas qui ont survécu _ la conqu_te et _ la folie destructrice des ecclésiastiques, n’apportent rien sur cet aspect de la culture maya. Cependant, un petit livre contenant les idées cosmologiques du peuple quiché est parvenu jusqu’_ nous: le Popol Vuh. Rédigé apr_s la conqu_te espagnole, il s’agit un texte sacré (d’aucuns l’appellent la "Bible" quiché) qui renferme de nombreuses informations sur le jeu de balle et son symbolisme, ainsi que sur la mani_re de jouer. Dans la partie intitulée "Troisi_me Création", le jeu de balle constitue le point central du mythe que l’on peut résumer de la mani_re suivante:
Alors que sur terre les deux jumeaux Hunhunahpú et Vucub Hunahpú jouent _ la balle, les seigneurs du Monde Inférieur les convient _ descendre _ Xibalbá pour jouer avec eux. Une fois arrivés sur place, Hunhunahpú et Vucub Hunahpú subissent une dure série d’épreuves qui leur co_tera la vie. Leur corps sont enterrés, exceptée la t_te de Hunhunahpú qui est suspendue _ un arbre. D_s lors cet arbre, un calebassier, poussera et donnera de nombreux fruits parmi lesquels la t_te de Hunhunahpú passera inaperçue. Désobéissant _ l’interdiction de s’approcher de l’arbre, Xquic, la fille d’un des seigneurs, tombe enceinte apr_s que le crâne de Hunhunahpú lui ait craché dans la main. Elle échappe de peu aux représailles de ses semblables, et se réfugie chez sa belle-m_re. Sur terre, elle donne naissance _ des jumeaux, Hunahpú et Xbalanqué. Aidés par une souris, ces derniers récup_rent l’équipement de leurs p_re et oncle et se mettent _ jouer _ la balle. De nouveau, les seigneurs de Xibalbá entendent le bruit, et les convient _ descendre dans le Monde Inférieur. Ils subissent alors les m_mes épreuves que Hunhunahpú et Vucub Hunahpú, mais arrivent _ déjouer tous les pi_ges tendus par leurs adversaires. Les deux équipes se mettent _ jouer _ la balle et les jumeaux perdent; néanmoins ils gardent la vie sauve car ils arrivent _ payer l’enjeu aux seigneurs du Monde Inférieur. De nouvelles épreuves les attendent et, au cours de l’une d’elles, Hunahpú est décapité par une chauve-souris vampire: sa t_te devient d_s lors la balle d’une deuxi_me partie de jeu. Xbalanqué arrive, par ruse, _ remplacer la balle par un lapin, et ressuscite son fr_re. Les jumeaux sont vainqueurs. Enfin, apr_s de nouvelles épreuves et de nouvelles ruses, les seigneurs sont définitivement vaincus et tués. Les jumeaux ressuscitent leurs p_re et oncle, et montent au ciel pour devenir l’un le Soleil, l’autre la Lune.
Ce mythe est fondamental pour l’étude du symbolisme du jeu de balle dans l’aire maya, et je m’y référerai tout au long de cet essai, depuis l’analyse des instruments du jeu et des v_tements des joueurs jusqu’_ l’étude du terrain et des sculptures qui lui sont associées.
Il peut paraître surprenant que les chroniqueurs des Indes se soient fortement intéressés _ la balle, élément que l’on pourrait qualifier de secondaire comparé aux r_gles du jeu ou aux v_tements des joueurs par exemple. Cet intér_t tout particulier pour la balle tient principalement _ la qualité de rebond de celle-ci. En effet, _ l’époque de la conqu_te, les Européens ne connaissaient que des balles en bois, en cuir, en crin ou en tissu qui ne rebondissaient pas comme les balles indig_nes.
Le caoutchouc: une mati_re sacrée
La balle, dont la taille et le poids étaient variables, s’obtenait _ partir de la résine d’un arbre qui poussait principalement dans les terres chaudes et humides de la côte du golfe du Mexique. Cette résine, une fois traitée, donnait une mati_re appelée ollin en náhuatl, et que nous connaissons sous le nom de caoutchouc.
Le caoutchouc s’est vu attribuer, d_s ses premi_res utilisations, un caract_re sacré qui tient _ ses propriétés exceptionnelles. En effet, il poss_de des vertus curatives que les indiens utilisaient pour soigner les malades. Ainsi, mélangé _ d’autres plantes, il guérissait la toux et la colique entre autres maux. Mais surtout, on comprend plus facilement pourquoi l’ollin était une mati_re sacrée en observant sa faculté _ rebondir. Le caoutchouc "triche avec la principale loi qui régit les autres solides: celle de la pesanteur. Jeté au sol, il rebondit, comme soulevé d’une force magique, presque jusqu’au point d’o_ il est parti". Symboliquement, le caoutchouc faciliterait donc le contact entre les personnes vivant sur terre et les divinités qui peuplent le ciel. Cette idée de trait d’union entre les hommes et les dieux se retrouve d’ailleurs lorsque les Mayas faisaient br_ler du caoutchouc, de l’encens et du copal: les nuages de fumée s’élevaient vers le ciel et sollicitaient la protection ou l’aide d’un dieu. Une telle cérémonie se pratiquait dans le cadre du jeu de balle, la veille d’une partie importante. Les joueurs déposaient leurs protections de cuir et leur balle devant l’âtre et invoquaient l’aide des dieux pour la partie du lendemain.
La balle et les astres
Le caoutchouc, grâce _ son extraordinaire mobilité, permet donc le contact entre la terre et le ciel. Il est légitime de se demander par conséquent si la balle fabriquée en cette mati_re ne symboliserait pas le mouvement des astres, en raison de l’analogie manifeste entre la rondeur de la balle et la forme des étoiles et des plan_tes.
Si nous prenons le cas du soleil, force est de remarquer que tous les matins il semble sortir de la terre pour s’élever peu _ peu vers le plus haut point du ciel, puis redescendre et revenir s’engouffrer dans les profondeurs terrestres. Il apparaît que le cours du soleil est identique au mouvement de la balle qui s’él_ve tr_s haut pour retomber ensuite _ terre. La balle pourrait donc incarner le soleil. Cette hypoth_se se renforce lorsque l’on sait que pour les Chortis contemporains, le soleil est justement représenté par une balle, et que dans le Popol Vuh la t_te décapitée du jeune dieu solaire Hunahpú sert de balle lors d’une partie disputée entre les seigneurs du Monde Inférieur et Xbalanqué. Plusieurs éléments me font penser que la balle peut aussi incarner la lune. En effet, il est fréquent de trouver des sculptures o_ la balle prend la forme d’un lapin. De m_me, dans le Popol Vuh, un lapin se substitue comme balle _ la t_te décapitée de Hunahpú. Or, cet herbivore est associé par excellence _ la lune: les peuples méso-américains croyaient le voir sur la face du satellite terrestre. Ils faisaient le parall_le entre l’abondante activité sexuelle du lapin et l’influence du cycle lunaire sur le cycle menstruel de la femme.
La balle et la fécondité
La balle est aussi un symbole de fécondité et de fertilité. En effet, comme nous venons de le voir, elle peut _tre assimilée au soleil et _ la lune. Or, le soleil est l’astre qui permet le développement de la vie sur terre, et la lune a toujours symbolisé la fécondité en raison de sa relation avec les menstrues de la femme et avec les eaux germinatives et les marées. De plus, le mot qui signifie caoutchouc au Yucatán, kik (que l’on retrouve dans le nom de la m_re des jumeaux mythiques, Xquic), désigne aussi le sang et la s_ve des arbres _ qui n’est autre qu’un sang d’une couleur différente _, et par extension le sperme, autant de substances nécessaires _ la vie. Enfin, la balle est souvent comparée _ une t_te de mort ce qui rappele le sang et la vie car, comme nous le verrons par la suite, il ne faut pas considérer le sacrifice comme la mort mais comme le passage _ une nouvelle vie. Le plus bel exemple de balle/t_te de mort se trouve au centre des panneaux du terrain 2D1 de Chichén Itzá (Yucatán, Mexique).
Les sacrifices par décapitation
La justification des sacrifices humains
On a longtemps pensé que les Mayas, contrairement _ leurs voisins mexicas, n’avaient jamais pratiqué de sacrifices humains. Cette théorie, compl_tement obsol_te aujourd’hui, s’appuyait sur l’idée qu’ils étaient un peuple pacifique dont la vie quotidienne était seulement tournée vers le travail des champs et la recherche astronomique. Nous savons désormais que ce schéma n’est qu’en partie vrai, et que la société maya était beaucoup plus complexe qu’une simple division entre agriculteurs et pr_tres. Bien au contraire, les sacrifices humains existaient déj_ durant la période préclassique comme en témoigne la st_le 21 de Izapa (Chiapas, Mexique), et ils se sont intensifiés durant la période suivante pour culminer enfin au Postclassique sous l’influence des peuples mexicains.
J’ai employé précédemment l’expression "peuple pacifique" _ propos de l’absence supposée du sacrifice humain dans l’aire maya. C’est une erreur… o_ plutôt une position tr_s eurocentriste. En effet, par notre culture, nous avons tendance _ associer sacrifice humain _ barbarie, horreur, violence, etc. Les récits des chroniqueurs témoignent d’ailleurs de ce véritable dégo_t vis-_-vis de ces coutumes "diaboliques" et "barbares". Cependant pour les Mayas, le sacrifice humain était une pratique légitime et justifiée dans la mesure o_ il s’inscrivait dans la logique de leurs idées religieuses. Les dieux n’accordaient pas leur aide bénévolement, et avaient besoin d’offrandes pour obtenir les forces nécessaires _ l’accomplissement de leur tâche. Ces offrandes pouvaient _tre du copal, du caoutchouc, de la nourriture, des petits objets symboliques ou bien une substance chargée de puissance et de fécondité: le sang. Si c’est le sang qui les intéressait, pourquoi ne se limit_rent-ils pas aux sacrifices d’animaux? La réponse _ cette question tient au fait que, pour les Mayas, seul l’organisme humain concentrait une énergie qui se libérait _ la mort de l’individu. Mais, comme le précise Christian Duverger "dans des conditions de déc_s naturelles, cette énergie se tellurise, elle se disperse dans les profondeurs de la terre, cessant d’_tre utilisable par la société des vivants. Il faut donc trouver le moyen d’enrayer son évasion au moment de la mort afin de pouvoir capter et recycler ses vertus dynamiques". Le sacrifice apparaît donc comme la seule façon d’emp_cher cette perte d’énergie.
Jeu de balle et décapitation
Si l’on comprend mieux en quoi les sacrifices étaient importants aux yeux des Mayas – ils permettaient de satisfaire les exigences des dieux qui leur accordaient leurs faveurs en retour – plusieurs questions restent cependant en suspens. A quel(s) dieu(x) s’adressaient les sacrifices pratiqués dans le cadre du jeu de balle ?, c’est _ dire qui étai(en)t le(s) destinataire(s), et qu’est ce que les Mayas en attendaient ? A cette question fondamentale car elle a trait directement _ la problématique de cet ouvrage, vient se greffer toute une série d’autres questions qui sont les suivantes : o_ et quand le sacrifice avait-il lieu ? Qui étaient le(s) sacrificateur(s) et le(s) sacrifié(s) ? Et comment s’agençait le sacrifice ? Autant de questions auxquelles il convient de répondre.
Il est logique de penser que le sacrifice, acte sacré, avait lieu dans l’enceinte du terrain car cette construction, comme la pyramide échelonnée, reflétait l’image du Cosmos et possédait par conséquent elle aussi un caract_re sacré intrins_que. Pour _tre plus précis, le sacrifice s’effectuait au centre du terrain car le centre, bien souvent indiqué par un marqueur en pierre, représentait dans la cosmologie maya l’intersection des quatre secteurs horizontaux du plan terrestre et des trois niveaux cosmiques verticaux, c’est _ dire le Ciel, la Terre et l’Inframonde. Autrement dit, le centre permettait le passage d’une dimension _ l’autre de l’Univers. Notons d’ailleurs que des cérémonies, lors de l’inauguration d’un terrain o_ avant une partie, s’effectuaient _ cet endroit, et que dans les codex mexicains, nombreuses sont les représentations de terrains exhibant des crânes humains au centre.
Le sacrificateur, selon Chauvet, est une personne _ qui un groupe donné reconnaît une légitimité dans cette fonction. Qui mieux que les pr_tres pouvaient jouer ce rôle ? Ces hauts personnages de la société maya semblent _tre, en effet, les personnes les plus capables pour exécuter les sacrifices, d’autant plus que dans d’autres contextes c’est toujours _ eux que l’on confie cette tâche. Les pr_tres assumaient parfois la fonction d’arbitre et interprétaient les résultats : le jeu de balle était ainsi une prophétie, c’est _ dire la révélation par inspiration divine des choses cachées. Les deux équipes qui s’affrontaient représentaient des divinités opposées _ par exemple dans le Popol Vuh, les forces des Tén_bres contre les forces de la Lumi_re _ ou une réponse différente _ une question posée. Le résultat était alors interprété par les pr_tres qui prophétisaient par la suite des événements selon l’équipe gagnante. Si les prophéties étaient mauvaises (sécheresses, inondations, maladies, etc.), on contentait les dieux pour éviter ces calamités au moyen d’offrandes et de sacrifices.
En ce qui concerne l’identité du ou des sacrifiés, il s’agissait certainement des joueurs de l’équipe perdante ou du moins de son chef comme en témoignent les panneaux du terrain 2D1 de Chichén Itzá.
Enfin, nous pouvons nous demander pourquoi les pr_tres officiaient les sacrifices liés au jeu de balle en utilisant la décapitation, et non pas d’autres techniques tout aussi spectaculaires et beaucoup plus utilisées (je pense notamment _ l’extraction du coeur). Kampen estime que l’utilisation de la décapitation provient de la coutume qui consistait _ ramener la t_te des ennemis de guerre comme des trophées. Cela suppose que le jeu de balle possédât un caract_re guerrier. Or, il est vrai que sur une zone déterminée (le nord-ouest du Mayab) le jeu pouvait servir _ régler des conflits et _ réaffirmer un pouvoir, mais l’on ne peut pas étendre cette particularité _ l’ensemble de l’aire maya. Plus généralement, la décapitation pourrait _tre un moyen de remémorer le sacrifice que subit Hunhunahpú, lorsque lui et son fr_re Vucub Hunahpú, perdirent la partie de jeu de balle contre les seigneurs de Xibalbá. Gillepsie envisage _ ce propos que la décapitation renvoie _ la notion de démembrement (séparer le corps en plusieurs parties). La décapitation engendre une disjonction dans le corps, comme les mouvements périodiques des astres qui introduisent une disjonction dans le temps, séparant le Cosmos entre le jour et la nuit, l’été et l’hiver, la saison s_che et la saison des pluies, etc. Aussi peut-on imaginer que la décapitation, plus que tout autre moyen sacrificiel permettait d’entrer en contact avec les astres, et plus particuli_rement le Soleil et la Lune. Les dieux solaire et lunaire seraient donc des dieux privilégiés du jeu de balle. Lothar Knauth pense d’ailleurs que "el rito de decapitación significó el acto imitativo del drama cósmico cuando la luna, símbolo de la fertilidad, tuvo que ser sacrificada para dar paso al sol, símbolo del dar y del sostener de la vida". Enfin, les st_les de Santa Lucía Cotzumalhuapa (Escuintla, Guatemala) montrent des personnages v_tus comme des joueurs (peut-_tre des pr_tres) offrant une t_te décapitée _ des divinités qui descendent du ciel et qui présentent les atours caractéristiques du Soleil et de la Lune.
L’identité des joueurs
En ce qui concerne l’identité des joueurs, on peut d’ores et déj_ affirmer que seuls les hommes pratiquaient le jeu car il était tr_s rude et demandait, en plus de l’adresse et de l’agilité, de la puissance et de la résistance. Jesús Castro Blanco nous dit _ ce propos que " el evento era muy duro y violento, al grado que después de la partida, los participantes quedaban con un cuerpo adolorido y maltrecho. No escaseaban los huesos rotos, habiendo casos de muertes causadas por inesperados golpes en el estómago". Le probl_me de l’identité des joueurs se pose sur la question de la classe sociale. Les chroniqueurs sont d’accord sur le fait que les couches supérieures (les rois et les seigneurs) ainsi que des joueurs professionnels dont le statut et le prestige découlaient précisément de cette activité, intervenaient dans le jeu. De nombreuses représentations sculpturales montrent ainsi des rois habillés et agissant comme des joueurs : citons par exemple le roi Oiseau-Jaguar III sur la marche centrale n° 7 de la structure 33 de Yaxchilán (Chiapas, Mexique). Les dieux eux-m_mes jouaient _ la balle comme le rapporte le Popol Vuh. Les pr_tres, au contraire, ne jouaient pas mais avaient un rôle clef, car ils suivaient de pr_s les aléas du jeu et tachaient d’en interpréter le résultat.
Il ne faut pas oublier cependant que le jeu de balle était aussi un sport. C’est peut-_tre l’image qui nous vient le plus directement _ l’esprit, en pensant au football, au basket-ball et autres jeux de balle. D’autre part, c’est le seul aspect du jeu précolombien qui soit actuellement conservé : on le retrouve dans le nord-ouest du Mexique, dans l’état de Sinaloa principalement. Bien que cet essai tente de comprendre ce que signifiait le jeu de balle dans son aspect religieux et symbolique, il convient de préciser que toutes les classes sociales y avaient acc_s lorsqu’il s’agissait d’un simple sport. Le nombre tr_s élevé de terrains dans certains centres cérémoniels – Chichén Itzá et Kaminaljuyú (Escuintla, Guatemala) en ont treize, Tikal (Petén, Guatemala) en compte cinq – montre que, en plus du teotlachco, les hommes disposaient de structures o_ ils pouvaient s’adonner au plaisir que procure tout sport. La difficulté du jeu impliquait d’autre part que les joueurs qui interviendraient lors du jeu religieux puissent s’entraîner afin de se préparer physiquement. Lors de ces entraînements, le caract_re religieux était bien évidemment absent.
Dans le codex Mendoza, on apprend que l’empereur mexica Moctezuma II exigeait des cités de la côte du golfe du Mexique le paiement d’un tribut annuel composé de 16.000 balles de caoutchouc. Ce chiffre qui donne une idée de la consommation de balles dans l’empire mexica sugg_re que le jeu était fréquemment disputé, et qu’il devait _tre considéré comme une distraction, un passe-temps. Enfin, l’existence de paris importants est propre _ la compétition sportive.
Les v_tements des joueurs
Des tenues cérémonielles ?
L’impact d’une balle de caoutchouc dont le poids pouvait atteindre plus de trois kilos obligea les joueurs _ se couvrir certaines parties du corps pour se protéger des coups. Les tenues étaient variées, mais l’on peut déterminer quelques constantes. Ainsi, les joueurs adopt_rent souvent des protections aux genoux et aux coudes, et parfois m_me des gants et une sorte de casque dont il est fait mention dans le Popol Vuh. C’est sur les hanches que se portait néanmoins la protection la plus importante et _ la fois la plus problématique. Elle pouvait _tre de deux sortes :
*1. La protection était une simple ceinture de cuir ou de bois qui reposait sur les hanches et protégeait le ventre. Elle porte le nom de "joug".
*2. La protection était beaucoup plus épaisse que la précédente et couvrait non seulement les hanches et le ventre mais aussi le torse.
Il saute aux yeux, en regardant les joueurs qui portent cette derni_re protection, que leur tenue d’ensemble est plus élaborée : ils arborent des colliers, des panaches de plumes et de drôles de coiffures zoomorphes. Par exemple, sur un vase du Petén, un joueur porte une coiffure en forme de t_te de héron ou de cormoran. Un tel équipement était parfaitement encombrant et devait peser lourd, c’est pourquoi je pense qu’il ne s’agissait pas d’une tenue que portaient les joueurs pendant la partie elle-m_me, mais plutôt avant ou apr_s un match, une tenue cérémonielle en somme. La veille ou avant le début d’une partie, les joueurs pouvaient mettre ces tenues d’apparat, et présenter des offrandes aux Dieux (ce qui est confirmé par les chroniqueurs), ou bien défiler dans la pure tradition du spectacle sportif. Les rois, qui jouaient _ l’occasion, portaient aussi des tenues identiques. Enfin, m_me s’il est avéré que les pr_tres ne jouaient pas, je suis convaincu que parmi ces peintures et sculptures se cachent de nombreux membres de la caste sacerdotale. Il suffit, en effet, de s’appuyer sur les sc_nes de sacrifice et de décapitation exécutées par des personnages v_tus de ces tenues opulentes. Le chef ou les autres joueurs d’une équipe ne pouvaient _tre en aucun cas les sacrificateurs, car ce n’était pas _ eux qu’incombait cette tâche. Seuls les pr_tres, en tant que garants du rituel et médiateurs entre les dieux et les hommes, étaient _ m_me de s’occuper de ces sacrifices. Allen Wardwell remarque d’ailleurs que les coiffures zoomorphes en forme d’oiseaux étaient l’apanage des pr_tres et des guerriers.
Si ces v_tements semblent constituer une tenue cérémonielle, se pose toutefois un probl_me : les représentations de joueurs portant ces habits ne se trouvent que dans les basses terres centrales et du sud, surtout autour des fleuves Usumacinta et Pasión. Ailleurs, dans les hautes terres, sur la côte pacifique ou dans la péninsule du Yucatán, la tenue des joueurs est plus dépouillée et correspond _ la protection n° 1. De plus, les personnages ainsi v_tus semblent faire des offrandes aux dieux et s’inscrivent parfois dans le cadre de cérémonies. L’hypoth_se de départ est-elle fausse ? Peut-on penser, _ l’instar de Hellmuth, que les Mayas du Petén (ceux qui portent les tenues compliquées) pratiquaient un jeu o_ la balle se tapait sur le thorax ? Rien n’est moins s_r car l’on a trouvé des jougs (protection n° 1) dans des centres proches de l’Usumacinta et du Pasión, _ Palenque (Chiapas, Mexique) et _ Copán (Honduras). Il faut en déduire que deux types de protection ont coexisté dans le coeur du Mayab: l’une pour le jeu, l’autre pour les cérémonies attenantes. Dans le reste de l’aire maya, seuls les jougs étaient utilisés.
Les jougs
La protection n° 1 s’appelle "joug" car il s’agit d’une pierre dure sculptée ayant la forme d’un fer _ cheval. Les jougs mesurent en moyenne 45 cm. de long pour 30 cm. de large avec une ouverture comprise entre 16 et 18 cm. Ils peuvent peser jusqu’_ trente kilos, et sont décorés de t_tes de grenouilles, de jaguars, de serpents ou d’hommes, ainsi que de volutes. Les jougs sont originaires de la côte du golfe du Mexique, de la région totonaque (Veracruz, Mexique) o_ ils furent tr_s abondants durant la période classique. C’est _ cette époque que l’utilisation des jougs se diffuse dans l’aire maya en relation avec le commerce qui permet de multiples échanges. Mais ce ne sont pas les Totonaques qui les ont inventés comme en témoigne la découverte, en 1988, d’un joug olm_que datant du Préclassique ancien. Ce joug qui provient du site de El Manatí (Veracruz, Mexique) est une pierre taillée verte obscure qui mesure 38 cm. de long. Les Olm_ques auraient donc été _ l’origine de l’invention du joug, mais ce seraient les Totonaques qui, parall_lement _ l’augmentation de l’importance du rituel du jeu de balle, auraient développé son utilisation et sa diffusion. Dans l’aire maya, les archéologues ont trouvé une centaine de jougs datant du Classique et provenant principalement de la côte pacifique. Récemment, une cache contenant 52 jougs en pierre a été découverte pr_s de Tiquisate (Escuintla).
Comme je l’ai déj_ dit _ plusieurs reprises, le joug correspond _ la protection n° 1, c’est _ dire _ une simple ceinture que les joueurs se mettaient sur les hanches pour se protéger le ventre des coups provoqués par l’impact de la balle. Cette hypoth_se fut lancée en 1946 par Gordon Ekholm qui démontra que des figurines de joueurs portaient ces sculptures. Or, je n’ignore pas que les jougs pouvaient peser jusqu’_ trente kilos. La question qui se pose est de savoir si un tel poids rend le jeu possible. Scott et Hellmuth firent l’expérience et arriv_rent _ des conclusions différentes. Le premier reste sceptique quant _ son utilisation réelle dans le jeu tandis que le second affirme n’avoir eu aucun probl_me pour se déplacer avec la sculpture en pierre. J’estime pour ma part que les jougs en pierre n’étaient pas directement utilisés lors d’une partie de jeu de balle, mais que les joueurs se protégeaient grâce _ des reproductions de ces jougs en bois ou en cuir. La découverte d’un joug en bois par Guillemin confirme cette hypoth_se. De m_me, Reina de Vries a récemment démontré avec succ_s que des ceintures en cuir, identiques aux jougs en pierre, pouvaient _tre fabriquées en utilisant le joug comme moule. Cet objet ne serait donc qu’un moule ? Loin de moi cette idée. En effet, cette fonction n’en exclut pas d’autres. Nous pouvons tr_s bien imaginer que les jougs se portaient avant ou apr_s une partie, lors des cérémonies dont j’ai parlé précédemment. De m_me, le joug pourrait _tre un trophée, l’embl_me du jeu qui serait mise en valeur dans un endroit particulier du terrain. Ce trophée, qui ressemble _ nos coupes modernes, serait remis _ l’équipe gagnante _ la fin d’un match. Certains chercheurs ont m_me pensé que le joug serait un instrument servant au sacrifice par extraction du coeur. Il servirait _ bloquer le cou du sacrifié qui ne pourrait plus bouger. Une telle utilisation serait techniquement possible mais n’entrerait pas dans le cadre du jeu de balle, car seuls les sacrifices par décapitation étaient pratiqués lors de ce rituel. Enfin, les jougs ont été fréquemment associés _ des enterrements: c’est le cas _ Tikal et _ Toniná (Chiapas, Mexique). On peut penser que les grands joueurs étaient enterrés avec eux.
Le joug ou sa réplique en bois ou en cuir n’est pas un simple objet mais poss_de aussi un symbolisme utile pour l’analyse du jeu de balle. L’idée la plus répandue est que sa forme en U représente la bouche de la terre. Le joueur arborant un joug se situerait donc _ moitié dans le Monde Supérieur et _ moitié dans le Monde Inférieur. Il symboliserait le centre de l’Univers o_ se rencontrent le plan vertical (le joueur) et le plan horizontal (l’allée du terrain o_ se trouve le joueur). Guillemin a découvert ainsi, sur le joug en bois de Tikal, des traces de trois couleurs de peintures différentes. Le joug avait été peint tout d’abord en noir (couleur que l’on peut associer au nadir de l’Inframonde), puis en rouge (couleur du zénith du Monde Supérieur) et enfin en bleu-vert, couleur du centre. Le noir et le rouge renvoient aussi respectivement _ l’ouest et l’est, lieux de la mort et de la renaissance du Soleil. Enfin, il convient de remarquer que les jougs étaient souvent fabriqués avec des pierres vertes (serpentine, diorite, jade). Or, il s’agit de la couleur du divin et du sacré et du centre de l’Univers dans le panthéon maya.
Les instruments des joueurs
L’attirail des joueurs comprenait la balle et le joug en pierre ainsi que d’autres objets : hache, palme et pierre _ main.
Les haches
Une hache est "un objet plat en pierre représentant le plus souvent une t_te _ profil double. Son nom vient de son bord externe qui est souvent biseauté comme la lame d’une hache". Ces instruments se trouvent fréquemment dans l’aire maya, en particulier dans la région de Bilbao et de Santa Lucía Cotzumalhuapa, ainsi qu’ _ Copán et _ Palenque.
On consid_re généralement ces objets comme faisant partie des v_tements des joueurs car sur de nombreuses représentations iconographiques des objets ressemblants _ des haches sont accrochés au cou ou _ la taille des joueurs. Je consid_re pour ma part qu’il ne s’agit pas d’un v_tement _ proprement parler mais d’un objet cérémoniel. En effet, les haches ne sont présentes que lorsqu’un joueur arbore un joug. Or, le joug en pierre était utilisé seulement durant les cérémonies.
L’iconographie des haches aide _ mieux comprendre quelles étaient leurs fonctions dans le cadre du jeu de balle. Je distinguerai trois groupes: un groupe A composé de sculptures zoomorphes, un groupe B comprenant des sculptures anthropomorphes, et un groupe C que je désignerai par le mot-valise de "anthropozoomorphes".
Le groupe A (sculptures zoomorphes) présente, comme son nom l’indique, des haches en forme de t_te d’animal, le plus souvent des aras et des jaguars; le groupe B, des t_tes humaines; et enfin, le groupe C, des sculptures d’animaux ayant une t_te humaine dans la gueule ou le bec. Les sculptures des groupes A et C pourraient _tre les attributs héraldiques des équipes. En effet, le jaguar et l’ara symbolisent respectivement le Soleil de la nuit et le Soleil du jour : nous avons vu précédemment que le jeu de balle pouvait opposer des équipes représentant des forces antagonistes et que le résultat de la partie permettait aux pr_tres de prophétiser des événements futurs. Les haches seraient une sorte de blason, d’écusson, et permettraient de différencier les équipes lors des cérémonies. Les haches du groupe B quant _ elles rappellent la décapitation en raison de nombreuses représentations de t_tes de mort et de sc_nes de sacrifice. Enfin, on peut imaginer que les haches se plaçaient sur les murs des structures latérales du terrain pour délimiter certaines zones ou limites. Dans ce contexte, elles auraient la m_me fonction que les panneaux, anneaux, marqueurs et autres sculptures _ tenon. Notons d’ailleurs que ce dernier groupe de sculptures présentent une forte similitude iconographique avec les haches.
Les palmes
Une palme est une pierre sculptée de forme évasée. Elles sont fabriquées en pierres volcaniques tr_s bien taillées et sont décorées de volutes ou bien adoptent la forme de corps et de t_tes humaines ou animales. Un trait commun _ toutes les palmes est leur base concave sur laquelle elles se soutiennent et qui s’ajuste _ la superficie incurvée des jougs. On ne les trouve d’ailleurs que lorsque les jougs sont présents. De cette constatation, on peut en déduire que les palmes comme les haches et les jougs sont des objets cérémoniels, mais préciser quelle était leur fonction est plus difficile. J’estime que les palmes pourraient symboliser la fertilité et la fécondité, car elles se terminent souvent par une t_te de serpent, symbole du sang. Leur forme évasée ressemble aussi _ un jet de plumes que l’on peut associer au sang voire au sperme, un des trois fluides vitaux. De plus, il convient de remarquer la forme et la position phalliques des palmes.
Les pierres _ main
Les pierres _ mains constituent s_rement les instruments qui posent le plus de probl_mes aux chercheurs qui étudient le jeu de balle [fig. 23a]. Aucun nom unanimement reconnu n’a d’ailleurs été trouvé : "manoplas", "piedras con asas" ou "candados" en espagnol, "handstones" ou "gloves" en anglais, les traductions françaises ne sont pas plus heureuses, oscillant entre gantelets ou pierres _ main. La seule chose dont on soit s_r, et que refl_tent ces noms, c’est que ces objets étaient tenus par la main. Ils présentent une forme rectangulaire ou sphérique avec une poignée, ce qui permet de les tenir. Les archéologues ont trouvé des pierres _ main dans une grande partie de l’aire maya, principalement les régions du Petén et du nord-ouest du Mayab. De nombreux panneaux, dont les plus cél_bres sont ceux du terrain 2D1 de Chichén Itzá [fig. 23b] et des figurines affichent des joueurs avec cet étrange instrument. Quelles étaient ses fonctions ? Peu d’études ont été menées sur ce sujet, mais Stéphane de Borhegyi prétend que les pierres _ main servaient _ dévier la balle en donnant de la puissance au coup porté, et _ se protéger la main des lésions que pouvaient entraîner les chutes au sol. Ces hypoth_ses ne me convainquent pas totalement. Tout d’abord le jeu de balle pratiqué dans l’aire maya interdisait de toucher la balle avec la main (cela est confirmé par les textes des chroniqueurs et par de nombreuses sculptures et témoignages artistiques). Certes, le joueur muni de cet objet ne touchait pas la balle directement avec sa main mais le geste impliquait son utilisation. D’autre part, on peut se demander si les pierres _ main ne handicaperaient pas les joueurs. Un tel instrument pesait en effet plusieurs kilos : c’est pourquoi je reste sceptique quant _ son utilisation effective dans le jeu. Je crois plutôt, sans pour autant pouvoir le démonter ni préciser leurs fonctions exactes, que ces pierres _ main servaient lors des cérémonies du jeu de balle comme les autres instruments. Les joueurs des panneaux du terrain 2D1 de Chichén Itzá se trouvent engagés dans une cérémonie et non pas dans une partie.
Les caractéristiques des terrains
Plusieurs modalités de jeu de balle ont existé en fonction des deux données : temps et espace. Aussi, le terrain en tant qu’ensemble de structures disposées de façon plus ou moins symétrique de part et d’autre d’une allée centrale était absent dans un premier temps. Son utilisation s’est généralisé dans toute la Méso-Amérique (excepté Teotihuacán) durant la période classique _ tel point que tous les grands centres cérémoniels possédaient un ou plusieurs terrains (Chichén Itzá en compte treize _ ce jour). Pourtant, d_s le Préclassique ces constructions firent leur apparition, en particulier dans la zone olm_que, le lieu d’origine des jeux de balle. Le plus vieux terrain connu qui date de 760 avant J.C. se situe _ la Venta. Entre l’imposante pyramide conique et la Grande Place de la cité, se dressent deux longs monticules de terre parall_les (85 m. de long, 16 m. de large et 6 m. de haut) qui forment la structure primaire d’un terrain. Quant _ l’aire maya, le premier terrain fut celui de Abaj Takalik (Retalhuleu, Guatemala) datant de 500 avant J.C..
Il n’est pas étonnant que les terrains présentent des différences entre eux. Plusieurs classifications de ces structures ont été proposées depuis plusieurs dizaines d’années : la premi_re provient d’Acosta et de Moedano Koer et la derni_re et la plus compl_te (bien qu’obsol_te aujourd’hui) d’Eric Taladoire. Ce chercheur français, spécialiste du jeu de balle, détermine douze types et huit variantes pour une aire comprenant la Méso-Amérique mais aussi les Antilles et l’Arizona. Cette typologie détaillée qui combine l’étude du plan et du profil intérieur des terrains est remarquable.
Il existe trois sortes de plan :
* 1. Le plan ouvert : c’est le plan le plus simple et le plus ancien. Le terrain comporte deux plates-formes parall_les (structures latérales A) bordant l’allée F, et les extrémités sont ouvertes. Autrement dit, il peut exister une zone terminale G mais celle-ci n’est pas fermée par une structure terminale I. On trouve ce plan sur les terrains de Uxmal et de Palenque notamment
* 2. Le plan fermé en double T : il présente la m_me forme que les terrains _ plan ouvert mais poss_de en plus des structures terminales I qui donnent au terrain la forme d’un double T. Le terrain 2D1 de Chichén Itzá en est le plus bel exemple.
* 3. Le plan fermé en "palangana" : le plan rectangulaire est entouré par des murs aux quatre côtés. Ce plan n’est pas fréquent, sauf dans l’est du Guatemala o_ ces terrains en "cuvette" se trouvent en nombre assez important.
Le profil, quant _ lui, correspond _ la partie intérieure des structures latérales. C’est une partie tr_s importante car les différences de profil peuvent _tre _ l’origine des variations du jeu. On dénombre pour l’aire maya quatre profils différents qui combinent trois éléments: la corniche B, le talus C et la banquette D. La corniche B est un mur vertical dont la hauteur varie entre 30 cm. et 7 m_tres, et le talus C est une surface inclinée (de 20 _ 80°). La banquette D est une petite plate-forme de peu de hauteur présentant deux surfaces : un rebord de banquette E dont la face peut _tre verticale ou inclinée, et une partie supérieure plate.
Les quatre profils sont les suivants:
* 1. Banquette-Talus-Corniche : ex. terrain R-11 de Piedras Negras.
* 2. Banquette-Talus : ex. structure 67 de Yaxchilán.
* 3. Talus-Corniche : ex. terrains K-6 de Piedras Negras et A de Copán.
* 4. Banquette-Corniche : ex. terrain 2D1 de Chichén Itzá.
Les marqueurs sont des pierres taillées, sculptées ou non, et le plus souvent circulaires. Ils se trouvent sur l’allée ou bien sur les banquettes ou talus, parfois m_me sur la partie supérieure des structures latérales. Néanmoins, c’est au centre de l’allée que l’on recense le plus de marqueurs. Des hautes terres jusqu’aux basses terres centrales, les terrains de jeu de balle comportent tr_s souvent un marqueur central, seul comme c’est le cas _ Lamanai (Belize) ou _ los Cerritos-Chijoj (Quiché, Guatemala), ou associé _ d’autres marqueurs ou sculptures (tenon, anneaux, panneaux). Dans les basses terres du nord, seul le terrain du groupe des Nonnes de Chichén Itzá en comporte.
Le marqueur central
Le marqueur central servait d’autel pour les offrandes faites lors de l’inauguration d’un nouveau terrain, ou avant une partie. D’apr_s le témoignage de López de Gomara "cada trinquete es templo, porque ponían dos imágenes del dios del juego de pelota encima de las dos paredes más bajas, a la media noche de un día de buen signo, con ciertas ceremonias y hechicerías, y en medio del suelo hacían otras tales, cantando romances y canciones que para ello tenían (…)". La présence de caches sous le marqueur central de certains terrains corrobore le témoignage de López de Gomara. Ainsi, sur le terrain H6/2-3 de Toniná, les archéologues ont trouvé des lancettes d’obsidienne, une roche volcanique tr_s prisée par les membres de l’élite, ainsi que des petits objets symboliques, et sur le terrain AI de Copán, il reste des traces de feu l_ o_ se trouvaient les marqueurs.
Il n’est pas surprenant que de telles offrandes et cérémonies se déroulent autour du marqueur central, car il symbolise dans la cosmologie maya le Centre du Monde. C’était un point tr_s important car il se trouvait _ l’intersection des quatre secteurs du plan terrestre et des trois niveaux cosmiques, c’est _ dire le Ciel, la Terre et l’Inframonde. A cet endroit se dressait un arbre sacré, un ceiba, dont les racines pénétraient profondément dans le sol et dont les branches traversaient le ciel. L’utilisation d’un arbre comme image de l’axe du monde n’est pas propre _ la culture maya. On la retrouve dans d’autres cultures, sur le nouveau comme sur le vieux continent. L’arbre est un symbole cosmique car "il est vertical, il pousse, il pert ses feuilles et les récup_re, que par conséquent il se régén_re (il "meurt" et "ressuscite") d’innombrables fois". Autrement dit, l’arbre reproduit ce que manifeste l’Univers, en particulier la "mort" et la "renaissance" des astres. Le ceiba est un arbre omniprésent dans la culture maya : c’est d’ailleurs de nos jours l’arbre national de la République du Guatemala.
Les trois marqueurs du terrain AIIb de Copán
Le terrain A de Copán est en fait un triple terrain car il fut reconstruit par trois fois au m_me endroit, l’emplacement variant de quelques m_tres plus au nord. Si le premier et le troisi_me terrain possédaient des marqueurs, ce sont ceux du deuxi_me terrain qui sont les plus remarquables tant par leur richesse sculpturale et leur bon état de conservation que par ce qu’ils apportent _ l’étude du symbolisme du jeu de balle.
Ces trois marqueurs quadrilobés de 71 cm. de diam_tre datent du Classique récent. Il faut les considérer dans leur ensemble car ils illustrent "les trois actes d’un drame cosmique". La sc_ne se déroule dans l’Inframonde. Tout d’abord, le marqueur nord sert de prologue : un Seigneur du Monde Inférieur reçoit l’hommage d’un de ses coéquipiers. Il s’agit de joueurs car ils portent une épaisse protection ventrale ainsi que des genouill_res. Une énorme balle se trouve entre les deux joueurs, attachée par une corde. Cela rappelle le Popol Vuh o_ il est mentionné que la balle ainsi que les autres instruments des joueurs étaient accrochés _ une poutre du toit de la maison de la grand-m_re. La sc_ne du marqueur nord ne se déroule donc pas pendant le jeu mais bien avant une partie. Le marqueur central présente l’action. Claude-François Baudez pense qu’il s’agit de la lutte entre le roi copan_que 18 Lapin et le seigneur du Monde Inférieur du marqueur nord. Les glyphes se trouvant au dessus de la balle portent en effet le nom de ce souverain. Mais plus récemment, De la Garza et Izquierdo ont apporté un éclairage nouveau. Pour elles, la mention "18 Lapin" ainsi que la t_te de lapin que tient le personnage de droite font allusion _ la lune et _ Xbalanqué. Le marqueur central représenterait la lutte mythique entre les seigneurs de l’Inframonde et Xbalanqué qui se retrouve seul apr_s que son fr_re Hunahpú se soit fait trancher la t_te par une chauve-souris. Pour ma part, je pense que ces deux hypoth_ses ne s’excluent pas l’une de l’autre car il était fréquent que les rois incarnent les dieux. Ce qui est certain c’est que cette sc_ne rappelle clairement le mythe quiché, d’autant plus que la balle, qui porte les signes de la fertilité et du soleil, remémore le combat dont l’enjeu était la renaissance de l’astre solaire. Enfin, le marqueur sud montre que les forces du mal ont été vaincues car un joueur rend hommage au jeune dieu du ma_s qui symbolise la fertilité. Le soleil a pu renaître et permettre le m_rissement de la céréale.
Les trois marqueurs du terrain AIIb de Copán sont une métaphore de la lutte que doit livrer le soleil chaque nuit pour renaître chaque jour, et apporter la lumi_re et la chaleur nécessaires _ la vie représentée par le jeune dieu du ma_s. Ces marqueurs témoignent de l’extr_me relation qui unit, dans le cadre du jeu de balle, le symbolisme solaire au symbolisme agraire, un peu comme les deux faces d’une m_me réalité.
Les marqueurs de Tenam Rosario
La structure III de Tenam Rosario (Chiapas, Mexique) est un terrain exceptionnel en raison des huit marqueurs qui y furent découverts. J’étudierai dans ce paragraphe trois de ces marqueurs pour leur bon état de conservation et leur apport _ l’analyse du symbolisme du jeu de balle : il s’agit des marqueurs 1 et 2 et d’un marqueur que Fox appelle marqueur X. Ce dernier se situe _ l’extrémité sud de la banquette sud-ouest.
Ces trois marqueurs mesurent environ un m_tre dix de diam_tre, et présentent plus ou moins le m_me motif: un homme de face se tient accroupi et étire ses deux bras. Les hommes des marqueurs 1 et X tournent la t_te vers leur droite, tandis que celui du marqueur 2 la tourne vers sa gauche. L’homme du marqueur 1 est v_tu d’un pagne auquel est attachée une t_te de mort aux yeux globuleux. Aux mollets et aux poignets, il porte de la fourrure et est coiffé d’un chapeau zoomorphe qui ressemble _ un oiseau. Mais surtout, il tient dans sa main droite une lance, et dans sa main gauche une guirlande d’encens. L’homme du marqueur 2 porte des ornements au niveau du nez et de la bouche que Fox interpr_te comme étant le masque de Tláloc, dieu que les Mayas appelaient Chac. A la place de la t_te de mort qui décorait la ceinture de l’homme du marqueur 1, celui-ci porte un gros disque concentrique. Enfin, il tient dans sa main gauche trois fl_ches et dans sa main droite une sorte de fleur. L’homme du marqueur X, quant _ lui, ressemble plus au personnage du marqueur 1 : il porte deux fl_ches et une guirlande d’encens. Qui sont ces hommes et que nous apprennent leurs v_tements et attitude ?
On pourrait penser comme Taladoire qu’il s’agit de guerriers et que les marqueurs symbolisent la dichotomie entre la paix (la guirlande d’encens, la fleur) et la guerre (la lance et les fl_ches). Il est vrai que le caract_re militariste est présent sur les marqueurs mais ce n’est pas le seul aspect. Il me semble essentiel de s’attacher plutôt _ l’image du dieu Tláloc, divinité aussi importante et complexe que celle de Quetzalcóatl. Plusieurs des aspects de Tláloc se retrouvent sur les marqueurs de Tenam Rosario dont notamment le rituel guerrier avec la guirlande d’encens et les poignets en fourrure. Mais Tláloc était surtout connu pour _tre le dieu de la pluie et du rituel agraire, le dieu de la fertilité en somme. Cet aspect de la divinité se retrouve dans la position accroupie des personnages, qui n’est pas fréquente dans l’art des basses terres mayas et qui est associée dans l’art méso-américain _ la fertilité, _ la régénération et aux sacrifices de sang. Les personnages des marqueurs pourraient _tre des pr_tres incarnant le dieu Tláloc, et non pas de simples guerriers. Les marqueurs symboliseraient la fertilité _ travers la double mention du sang, présente dans le rituel guerrier et dans les (auto)sacrifices. Le sang étant l’élément essentiel de la renaissance et du retour _ la vie, le symbolisme du terrain Tenam Rosario ne s’orienterait pas dans un sens politique mais porterait au contraire les signes d’un symbolisme de la fécondité.
Le marqueur de Chinkultic (Chiapas, Mexique)
Le marqueur de Chinkultic, trouvé dans la cité voisine de La Esperanza, se compose de deux parties : une partie centrale mettant en sc_ne un joueur, et une bande glyphique l’entourant. Le personnage porte un panache de plumes, une genouill_re ainsi que l’épaisse protection n° 2. Le joueur renvoie une énorme balle avec sa jambe droite et tient dans sa main gauche un panneau glyphique. Un autre panneau glyphique se trouve au dessus de la balle. Selon Palacios, ce marqueur fait allusion aux astres lunaire et solaire. Pour le chercheur mexicain, le joueur est en train d’intervertir les deux disques sidéraux (les deux panneaux glyphiques), l’un contenant les signes du soleil, l’autre ceux de la lune. De l_, il en déduit que le marqueur présente une éclipse de soleil, événement qui se produit lorsque la lune passe entre la terre et le soleil, interceptant les rayons lumineux de celui-ci. Un tel événement eut lieu en effet le 16 juillet 790, l’année que l’on retrouve inscrite sur la bande glyphique qui entoure le personnage. Aussi, peut-on penser que le jeu aurait un symbolisme astral et que joueurs pourraient influer sur le devenir des corps célestes.
Présentation
Une sculpture _ tenon est une pierre fichée au moyen d’un tenon dans les talus des terrains de jeu de balle. Ce type de sculpture est surtout présent dans l’aire maya (sur la plaine côti_re pacifique et dans les hautes terres en particulier), mais proviendrait, selon Parsons, du Mexique central et plus précisément de Teotihuacán.
La fonction des sculptures _ tenon était de délimiter l’espace d’action des joueurs, c’est _ dire le camp de chaque équipe. On trouve généralement deux sculptures qui déterminent l’axe transversal central du terrain. Sur les terrains H6/2-3 de Toniná et AIII de Copán, trois sculptures se répartissent ainsi sur chaque talus. A guaytán 2 (Progreso, Guatemala), cinq t_tes de serpent ont été trouvées mais, selon le principe de symétrie, le terrain devait comporter six sculptures. Ainsi, dans le cadre du jeu, trois axes transversaux correspondant _ la ligne centrale et _ la ligne terminale de chaque camp, étaient marqués par les sculptures _ tenon.
L’iconographie des sculptures _ tenon
Je reprendrai les trois groupes auxquels j’ai fait appel pour classer les haches : les sculptures zoomorphes, les sculptures anthropomorphes, et les sculptures anthropozoomorphes.
Sculptures zoomorphes
Il s’agit du type de sculptures le plus abondant. Trois animaux constituent l’essentiel des représentations: le perroquet ou ara, le jaguar et le serpent. L’ara est un perroquet qui fait partie des oiseaux les plus beaux et les plus bruyants du monde. Son plumage offre une variété de couleurs extraordinaire, et c’est précisément _ cause de cette parure flamboyante que les Mayas considéraient l’ara comme le symbole du soleil diurne. Parmi les terrains comprenant une sculpture en forme d’ara, il convient de citer le terrain AIII de Copán, celui de la Unión (Honduras) ou bien dans le département guatémalt_que de Jutiapa les terrains n° 1 de Asunción Mita y C de Papalhuapa. Le jaguar est un félin mais aussi une divinité chthonienne, c’est _ dire du monde souterrain. C’est pourquoi il symbolisait le soleil noir, le soleil dans sa course nocturne. Il ne serait pas surprenant que cette assimilation entre le soleil noir et le jaguar provienne des ocelles de son pelage qui ressemblent _ des étoiles. Citons les terrains 22-23 et 35-36 de Chalchitan (Huehuetenango, Guatemala), A8 de Iximché (Chimaltenago, Guatemala) ainsi que celui de Zacualpa (Quiché, Guatemala). Enfin, le symbolisme du serpent est tr_s varié, mais l’on peut affirmer qu’il représente la fertilité et la fécondité dans la mesure o_ il est l’image des fluides vitaux comme le sang ou l’eau. On trouve des sculptures serpentiformes sur les terrains n° 2 de Guaytán et Asunción Mita, ainsi que sur le terrain B1 de Mixco Viejo (Chimaltenengo, Guatemala) par exemple.
Les sculptures zoomorphes renforcent deux hypoth_ses que j’ai émises précédemment et qui ne s’excluent pas l’une de l’autre : l’ara et le jaguar appuient l’hypoth_se du symbolisme solaire du jeu de balle dans ses deux facettes, diurne et nocturne, tandis que le serpent témoigne de l’importance du culte de la fertilité.
Les sculptures anthropomorphes
Les sculptures anthropomorphes peuvent _tre de deux sortes :
* 1. La sculpture représente seulement une t_te humaine comme c’est le cas sur les terrains C7 de Iximché, n° 1 de Guaytán ou de Finca Pompeya (Sacatepequez, Guatemala).
* 2. La sculpture représente la moitié supérieure d’un corps humain, c’est _ dire la partie qui va de la ceinture _ la t_te. Elle est tr_s rare car seulement deux terrains en comportent. Ils se trouvent tous deux dans le nord de l’état mexicain de Chiapas : _ Tenam Puente et _ Toniná (terrain H6/2-3). Ces sculptures sont connues sous le nom de "captifs" car les personnages ont les mains attachées dans le dos.
L’exemple de Toniná est plus intéressant que celui de Tenam Puente pour deux raisons. Tout d’abord, le terrain de Tenam Puente ne poss_de que deux "captifs" dans l’axe transversal central, alors que le terrain de Toniná en compte six. Mais surtout ce dernier terrain poss_de d’autres éléments sculpturaux comme trois marqueurs d’allée et six panneaux qui figurent le bas du corps manquant. Pour bien comprendre et analyser ces sculptures _ tenon, il est important d’avoir une vue d’ensemble de tous ces éléments du terrain.
Le marqueur central représente un dignitaire assis en tailleur qui tient une barre cérémonielle dans les mains. Je pense qu’il doit exister un lien entre les "captifs" et ce personnage. Tout le probl_me réside dans l’identité de ces "captifs". Qui sont-ils ? Des joueurs ? Des prisonniers de guerre ? Des victimes sacrificielles ? J’écarterai l’hypoth_se des joueurs car rien dans leur tenue ne rappelle les v_tements que portent les joueurs. L’hypoth_se de prisonniers m’apparaît plus plausible en raison du climat politique dans les régions du bassin de l’Usumacinta durant le Classique récent. Des cités mayas comme Palenque ou Yaxchilán perdirent de leur influence, et d’autres cités contrôlées par de nouvelles dynasties prirent leur essor. Parall_lement, s’accentua un processus de décentralisation de l’organisation politique maya, c’est _ dire que le pouvoir et l’autorité se répartirent entre diverses cités _ l’instar du syst_me féodal médiéval. Cette situation politique engendra de nombreux conflits aux niveaux local et régional. De plus, Toniná se trouve dans une région charni_re entre les peuples mexicains et les populations de la péninsule du Yucatán et du coeur du Mayab. Aussi, j’estime que les "captifs" sont des prisonniers de guerre et que le dignitaire du marqueur central est le roi de Toniná qui régnait en 775 apr_s J.C. comme l’indique la date inscrite sur le marqueur.
Il reste _ se demander pourquoi ces sculptures se trouvent sur le terrain de jeu de balle. Le jeu en lui-m_me est l’expression d’une lutte, d’un combat o_ deux équipes s’affrontent pour gagner. Cette idée est donc proche des principes de la guerre. Le terrain de jeu de balle me semble _tre – du moins _ Toniná et _ Tenam Puente – un "forum politique" pour reprendre l’expression de Vernon Scarborough. Le jeu permettrait de régler un conflit et serait un substitut _ la guerre, en m_me temps qu’il éviterait une effusion de sang inutile : seule l’équipe perdante serait faite prisonni_re et éventuellement sacrifiée. Certains témoignages de l’histoire mexica confirment ce caract_re militaire ou guerrier du jeu de balle. Pour éviter une nouvelle guerre, le roi de Tenochtitlán, Axayácatl (1468-1481), et le roi de Xochimilco décid_rent de mettre en jeu, durant une partie, certaines terres et propriétés leur appartenant, notamment les lagunes et le marché pour le roi de Mexico. Mais le roi mexica perdit et, mauvais joueur, fit massacrer son adversaire pour s’emparer de ses terres.
Sculptures anthropozoomorphes
Eric Taladoire se demande si les sculptures que j’appelle anthropozoomorphes n’étaient pas l’image d’hommes porteurs de masques. En l’état actuel de la question, il est difficile de répondre. Cependant, il est vrai que ces sculptures représentent des joueurs d’équipes différentes, arborant un masque pour se distinguer visuellement. Elles rappellent aussi les cél_bres "guerriers-jaguars" et "guerriers-aigles" mexicas, mais aucun lien direct ne peut _tre établi en raison de la réalité chronologique. Elles font penser plutôt aux autels olm_ques. Ce sont de grands blocs de pierre rectangulaires qui présentent une niche au milieu d’o_ émerge un personnage assis. La niche est en fait la gueule d’un jaguar qui représente la sortie du monde souterrain. Une t_te humaine qui sort de la gueule d’un animal symbolise donc l’apparition de la vie et de l’homme depuis les profondeurs du monde terrestre. Notons enfin que ces sculptures sont localisées essentiellement dans les hautes terres et sur la plaine côti_re du Pacifique. C’est _ Kaminaljuyú (Guatemala, dept) qu’elles sont les plus fréquentes, on peut y voir d_s lors une influence du Mexique central et de Teotihuacán en particulier.
Les anneaux ou tlachtemalacates en náhuatl font partie des sculptures _ tenon, mais étant donnée leur forme particuli_re et leur importance, il apparaît judicieux de les étudier _ part. Les anneaux sont de lourdes pierres circulaires _ tenon, percées en leur milieu d’un trou de diam_tre variable et encastrées dans les talus des structures latérales. Peu nombreux, ils se localisent essentiellement dans les basses terres du nord, _ Uxmal, Chichén Itzá, Cobá (Quintana Roo, Mexique) et Hochob (Camp_che, Mexique)
L’origine des anneaux
Les anneaux se trouvent sur des terrains appartenant _ des centres situés dans la péninsule du Yucatán. Ils datent de la fin du Classique récent et du début du Postclassique ancien, époque durant laquelle cette région maya reçut l’influence des différentes cultures mexicaines (on trouve des anneaux _ Tula et sur le terrain n° 1 de Xochicalco). L’origine de cet élément du jeu est plus ancienne et remonte _ l’époque préclassique. Felipe Solís Olguín y a consacré une excellente étude et est arrivé _ la conclusion suivante. Les anneaux tels que nous les connaissons dans la péninsule du Yucatán et dans d’autres régions mexicaines proviennent de la fusion de deux éléments : d’un côté, les st_les verticales comme celle de La Ventilla, et de l’autre, les sculptures _ tenon horizontal caractéristiques du Classique, et que nous retrouvons sur plusieurs terrains méso-américains. Le centre de l’élément discoidal de la st_le se perfora peu _ peu et l’on obtint l’anc_tre de l’anneau _ tenon. Mais c’est la généralisation du jeu de balle pratiqué sur un terrain et l’importance accordée aux sculptures _ tenon horizontal qui firent que l’usage d’un anneau _ tenon horizontal se répandit.
Certains chercheurs émettent l’hypoth_se que des anneaux en bois ont existé, mais qu’en raison du matériau périssable dans lequel ils étaient fabriqués, il n’en reste plus trace. Il est vrai que dans le Popol Vuh, l’anneau fait partie des instruments transportables des joueurs au m_me titre que la balle, et que sur de nombreux terrains se trouvent des trous susceptibles d’accueillir le tenon d’un anneau. Je consid_re que cette hypoth_se est tout _ fait recevable bien qu’aucune preuve archéologique ne vienne l’étayer pour l’instant.
La fonction des anneaux
La mise en place d’un anneau de pierre, qui était la derni_re chose que l’on posait sur un terrain, faisait l’objet de cérémonies particuli_res. Le pr_tre Toribio de Benavente, plus connu sous le pseudonyme de Motolinia, nous relate ainsi cette cérémonie :
"Acabado de hacer y encalar, un día de buen signo, a la media noche, ponían el corazón al juego de ciertas hechicerías y ponían en el medio del juego y en el medio de las paredes estado y medio alto a la parte de dentro unas piedras poco menores que piedras de molino (…). Esto hecho, por la ma_ana adornaban dos idolos (…), y luego los cantaban allí delante y decíanles sus cantares (…)".
Les anneaux, comme les marqueurs, les panneaux et les sculptures _ tenon avaient une fonction matérielle, c’est _ dire qu’ils marquaient la ligne centrale du terrain et délimitaient les deux camps. De plus, ils servaient de buts pour les joueurs. Les chroniqueurs s’accordent sur ce point, cependant on est en droit de se demander si mettre la balle par le trou de l’anneau était possible. En effet, la balle était tr_s grosse et le trou assez petit. En outre la position de l’anneau sur les talus rendait la chose difficile et les joueurs, qui ne devaient pas toucher la balle avec les mains et les pieds, ne pouvaient pas viser juste. Les chroniqueurs ont-ils bien assisté _ cet exploit ou l’ont-ils simplement entendu raconter ? Pour ma part, je reste sceptique vis-_-vis de cette information, et je consid_re que si cela pouvait arriver ce n’était que le fruit du hasard et d’une incroyable chance.
Toujours est-il que les chroniqueurs rapportent que le joueur qui mettait la balle par l’anneau correspondant _ son équipe, en plus de faire gagner la partie _ son camp, avait le droit de s’emparer des "capes" des spectateurs : "El que emboca por allí la pelota, que por maravilla acontece, porque aún con la mano hay bien que hacer, gana el juego, y son suyas, por costumbre antigua y ley entre jugadores, las capas de cuantos miran como juegan en aquella pared por cuya piedra y agujero entró la pelota, y en otra, que serían las capas de los medios, que presentes estaban".
Le symbolisme des anneaux
Le nombre d’anneaux étant particuli_rement réduit dans l’aire maya, il est impossible de trouver un th_me iconographique dominant, d’autant plus que certains anneaux ne sont pas sculptés comme ceux de la structure 17 de Cobá. Je n’aborderai donc ici que les anneaux de Uxmal et du terrain 2D1 de Chichén Itzá.
Le centre yucat_que de Uxmal poss_de deux terrains de jeu de balle tr_s détériorés mais les anneaux ont été relativement préservés. Le grand terrain de Uxmal présente ainsi deux anneaux de un m_tre de diam_tre décorés _ base de glyphes calendariques mayas. Ils portent la date de 649 apr_s J.C. mais, comme le souligne Marquina, il s’agit d’une date tr_s ancienne qui fait s_rement référence _ un événement antérieur _ la construction du terrain et des anneaux. Peut-_tre faut-il y voir la date de la fondation de Uxmal ? Le petit terrain, quant _ lui, n’a donné qu’un seul anneau, le deuxi_me ayant disparu. Mais ses caractéristiques, uniques dans toute la Méso-Amérique, compensent largement ce manque. Cet anneau, qui ressemble fortement _ une sculpture _ tenon anthropomorphe, représente une t_te humaine avec des yeux énormes. Le nez tr_s grand rejoint la bouche allongée afin qu’ils se touchent et laissent un espace circulaire entre eux et les joues. La forme de cet anneau est exceptionnelle.
Les anneaux du terrain 2D1 de Chichén Itzá sont décorés par deux serpents entrelacés représentant la Xiuhcóatl, serpent qui conduit le soleil dans son cours. C’est un symbole solaire qui rappelle Kukulcán-Quetzalcóatl, "la serpiente emplumada". Certains chercheurs ont voulu voir dans ces anneaux l’ouverture de la terre par laquelle disparaît le soleil quand il se couche. Je n’adh_re pas _ cette hypoth_se car, comme le souligne justement García Blanco, les anneaux devraient _tre horizontaux et non pas verticaux. Je crois plus facilement que les anneaux seraient une représentation du sexe féminin en raison d’autres éléments iconographiques que je vais étudier dans le chapitre suivant.
Página siguiente |