Les tentes évoquent la traversée du désert. On en fêtait le souvenir à la fête des Tabernacles, où les Israélites vivaient une semaine entière sous des tentes. En vertu du principe de la correspondance entre le temps des origines et celui de la fin, on espérait une existence eschatologique sous la tente (Luc 16: 9). La fête des Tabernacles avait pris à l"époque cette dimension eschatologique: la gloire de Dieu était célébrée avec une joie particulière et symbolisée par une multitude de lampes.
Le judaïsme mettait les tentes des croyants en rapport avec la tente de la rencontre. On voit donc que Luc fait peut-être allusion à cette fête par la mention ""des huit jours"". Pierre ne se trompe pas sur la tente elle-même mais sur la façon dont elle est faite. Selon F. Bovon, ""la nouvelle tente eschatologique, c"est Jésus lui-même""[20]Pierre voyait la transfiguration mais ne la comprenait pas encore. L"épisode suivante du récit (Luc 9: 34) a sa propre signification mais peut aussi être lue comme une réponse à Pierre: aucune des trois figures n"a besoin de ce tentes dérisoires parce que faites de main d"homme.
3. La voix divine
C"est ici le point culminant de cette scène. La nuée n"est pas un nuage; c"est le voile dont Dieu s"entoure quand il s"approche de l"homme. Elle est apparue au désert et à l"inauguration du Temple de Salomon (Ex. 33: 9-10; 40: 38; 1 Rois 8: 10). Nous constatons ici comme une loi qui se manifeste dans toute la vie de Jésus. A chaque acte d"obéissance volontaire correspond un acte de glorification dont il devient l"objet de la part du Père. Il descend dans l"eau du Jourdain, s"identifiant aux pécheurs. Dieu le salue en l"appelant son Fils bien-aimé, au milieu du trouble de son âme (Jn. 12); il renouvelle son engagement de fidélité jusqu"à la mort, et la voix du ciel lui répond enfin, dans l"épisode et déclare: ""Celui-ci est mon Fils élu: écoutez-le"".
Le silence gardé tout d"abord par les apôtres (v. 36) est motivé chez Matthieu et Marc par un ordre positif de Jésus (Mc. 9: 9). ""L"intention du Sauveur, décrit Bovon dans son étude sur la transfiguration, était sans doute de prévenir l"exaltation charnelle que pourrait produire le récit d"une telle scène dans le cœur des autres apôtres et dans l"esprit du peuple. Après la résurrection et l"ascension, le récit de la transfiguration n"avait plus rien de dangereux. Le ressuscité ne saurait être un roi de ce monde""[21]
Cette scène, dans chacune de ses phases, a conduit au but que Jésus se proposait, à savoir: l"affermissement de la foi des siens. La contemplation de la gloire du Christ, la confirmation de sa mort sur la croix et la sanction divine apposée à toutes ses paroles, étaient autant d"appuis solides pour la foi des trois principaux apôtres. Raffermie, cette foi devenait, même sans paroles, le soutien de celle de leurs condisciples. Nous comprenons ainsi la transfiguration comme un fait entrant dans le cours normal de la vie du Seigneur et la raison pour laquelle les apôtres y furent associés en la personne de leurs représentants. A la gloire du ciel, pour laquelle il était prêt, Jésus, en ce moment sublime, a librement préféré l"ignominie de la croix (Héb. 12: 2). De leur côté, les apôtres durent comprendre que le chemin par lequel leur Maître les conduisait était conforme à la pensé de l"ancienne Alliance représentée par son fondateur Moïse et son restaurateur Elie. Bien plus, ce chemin était expressément approuvé par Dieu lui-même. Ils durent aussi comprendre que la gloire attendue pour leur Maître et pour eux-mêmes, momentanément refusée, leur serait accordée un jour. C"était là, comme le dit Edmond de Pressensé, ""un rayon de lumière destiné à éclairer les jours sombres qui devaient suivre"". Pour nous aussi cette épisode de la transfiguration peut être ce ""rayon de lumière"" nous rappelant qu"un jour nous connaîtrons la pleine lumière de la patrie céleste. Que l"avènement glorieux du sauveur qui nous aime soit attendu et hâté.
Sens théologique de l"événement
1. La transfiguration: la réponse à une question
D"après Robert O"Toole, ""Luc 9: 1-50 est une unité et possède une structure qui met en lumière la christologie de l"évangéliste et sa compréhension de l"apostolat""[22]La péricope débute au verset premier et se termine au verset 50, avec des directives pour les apôtres et les disciples. La question: ""Qui est Jésus?"" est au centre et retient beaucoup l"attention. En premier lieu, Hérode Antipas se questionne au sujet de Jésus. Aucune réponse n"est donnée à son interrogation. On remarquera que le peuple apparente Jésus à la tradition prophétique. Alors Jésus questionne ses disciples avec ardeur. Finalement Pierre fournit une réponse satisfaisante, exacte. En effet, Jésus fait une première question de la façon suivante: ""Qui dit-on que je suis?"" et une deuxième ainsi formulée: ""Et vous, qui dites-vous que je suis?""
La réponse rapportée dans Luc 9: 19 demeure insatisfaisante pendant que celle de Pierre (v. 20) vient plus près du but. Hérode a entendu parler de Jésus mais ne l"a pas encore rencontré, bien que tous ne l"aient pas vu. Pierre et les disciples ont entendu et vu Jésus, et l"identification de Pierre est la meilleure. De toute façon, Luc veut mettre l"emphase sur la différence entre entendre parler de Jésus seulement et le voir. Dans Luc 9: 1-50, Luc parfait toutes les réponses données à la question: ""Qui est Jésus?"" L"évangéliste continue son emphase sur Jésus et les disciples. Dans Luc 9: 22 et 44, il va parler de la passion de Jésus.
Au verset 44b, Luc ne fait pas attention de la résurrection. L"expression: ""Le lendemain, lorsqu"ils furent descendus de la montagne"" (Luc 9: 37) rattache étroitement l"histoire de la guérison de l"homme à l"esprit impur avec la transfiguration. Une fois de plus, ces deux histoires révèlent la grandeur de Jésus et l"impuissance des disciples. L"histoire de la guérison de l"homme (Luc 9: 37-43a) démontre combien médiocre est leur compréhension: ils ne pouvaient pas guérir l"homme. Dans Luc 9: 1-50, l"emphase tombe sur l"histoire de la transfiguration. C"est seulement dans cette histoire qu"une réponse complètement satisfaisante est donnée à la question ""Qui est Jésus?"" Et la réponse est donnée à la transfiguration par la phrase : ""Celui-ci est mon Fils élu, écoutez-le…""Luc 9: 50.
2. La transfiguration ou le prophète qui doit mourir
Luc voit Jésus comme un prophète, ou plus précisément le prophète comme Moïse. Les rumeurs concernant Jésus (Luc 9: 7,19), suggèrent que Jésus devait être un prophète. Mais l"évangéliste parle seulement de l"exode ou départ que Moïse et Elie disent que Jésus doit accomplir à Jérusalem. Naturellement, Moïse conduisit le peuple durant l"exode. Déjà, Luc ne veut pas dire sûrement que Jésus est le Moïse qui lui apparaît en fait; plutôt Jésus est comme Moïse. Cela devient plus clair que la déclaration de Dieu à travers la nuée, à savoir: ""Celui-ci est mon Fils, mon élu; écoutez-le"" fait penser au texte de Luc dans les livre des Actes: ""Moïse a dit: Le Seigneur notre Dieu vous suscitera d"entre vos frères un prophète comme moi, vous l"écouterez dans tout ce qu"il vous dira, et quiconque n"écoutera pas ce prophète sera exterminé du milieu de son peuple"". Ac.3: 22, 23.
Le contexte de ce passage ne laisse aucun doute que Pierre est en train de parler de Jésus. L"écouter est si important que, si quelqu"un n"agit pas ainsi, il sera exterminé du milieu du peuple. Le point central de la péricope est la réponse du Père à la question d"Hérode: que Jésus était le Fils et c"est comme Fils qu"il doit être écouté par les apôtres.
Seul Luc parle dans l"histoire de la transfiguration de l"exode que Jésus allait accomplir à Jérusalem (Luc 9: 31), le verset 31 de Luc 9 annonce donc le futur immédiat. Luc utilise le terme ""exodos"" comme un euphémisme pour la mort, mais il sait que cette mort n"est pas la fin du projet. L"exode continuera et conduira Jésus au vendredi de sa passion, de sa mort jusqu"à son ascension. Luc 9: 31 et Ac. 13: 27-29 parlent tous d"un accomplissement qui se rapporte à Jésus et qui a lieu à Jérusalem. Quand l"évangéliste parle de Jésus (19: 31), il désire que le lecteur pense au fait que celui-ci est un prophète comme Moïse et qu"il devait mourir.
3. La transfiguration: un événement capital pour Jésus
""La transfiguration expose l"humanité parfaite du Christ et n"était pas donnée pour exposer sa divinité""[23]écrit J. S. Excell. Les trois évangiles synoptiques, en effet, rapportent cet événement mais le quatrième évangile ne le relate pas. Cet évangile qui expose la divinité du Christ, ne donne pas le compte-rendu du récit de la transfiguration. L"événement représente aussi la réponse à une requête de Jésus. L"objet actuel de la requête du Christ, c"est qu"il fut accordé aux disciples une manifestation de la gloire qu"il avait auprès du Père avant que son royaume soit révélé à des yeux humains et que ses disciples soient affermis par cette vue. Il demande qu"ils puissent assister à une manifestation de sa divinité qui les soutiendra à l"heure de son agonie suprême en leur apportant la certitude qu"il est le Fils de Dieu. Tout cela fait partie du plan de la rédemption. C"est donc la position d"un auteur bien connu quand elle écrit ce qui suit:
""Le Seigneur a vu la tristesse de ses disciples et désire soulager leur douleur en leur donnant l"assurance que leur foi n"a pas été vaine…. Il exprime…ses désirs en faveur de ses disciples, demandant que leur foi ne défaille point à l"heure de la puissance des ténèbres""[24]
En considérant le but de la transfiguration, nous devons être encouragés par le fait que l"événement ne devait être encore connu qu"après la résurrection de Jésus et aussi par la question que les disciples continuaient à poser (Mt.17: 10), en montrant une profonde conviction qu"il était le Messie. La scène merveilleuse était convenable pour fixer la croyance si fermement dans les esprits de ces trois principaux témoins. Désormais, pas de désappointement de leurs attentes messianiques; c"est l"honneur et non l"humiliation, le triomphe et non la mort. Et plus rien ne pouvait les faire douter que celui qu"ils ont vu dans une telle gloire et recevant un tel témoignage, n"était vraiment pas le Messie. Même quand Pierre tomba pleinement affligé, il ne rendit pas complètement cette conviction. C"était une conviction invaincue de la la part des trois disciples, quoi qu"ils ne devaient révéler à personne ce qu"ils avaient vu. Quand leurs lèvres seront déliées, ils raconteront la sublime histoire, comme Pierre en parle d"une manière enthousiaste dans sa seconde épître (2 Pi.1: 16ss). Jean aussi en fait allusion dans son Evangile (1: 14), mais Jésus a défendu aux disciples de parler de l"événement à quiconque. Il y eut donc une raison à cela. Le peuple avait des conceptions erronées du Messie. Leur raconter cette scène aurait excité le fanatisme et précipité la crise. Quand la résurrection et l"ascension ont mis fin à la pensée d"un royaume temporel, les esprits des croyants allaient être éveillés à une juste conception de leur Seigneur exalté. Alors l"histoire de la transfiguration devait être appréciée et ferait du bien et non du tort.
En dehors des évangiles, on ne trouve dans tout le Nouveau Testament qu"une allusion à l"événement mystérieux de la transfiguration de Jésus (2 Pi. 1: 16-18). Ce fait prouve que la transfiguration n"appartient qu"indirectement à l"œuvre du salut. Mais puisqu"elle nous est rapportée par les évangiles synoptiques comme un fait historique, c"est donc qu"on doit pouvoir démontrer sa signification normale dans le cours de la vie de Jésus.
CHAPÎTRE II
La transfiguration de Jésus: un mythe ou une réalité
I- Sens étymologique de la transfiguration et sa signification dans la littérature païenne
Le terme ""transfiguration"" vient du verbe grec metamorphoo, qui signifie ""changer en une autre image, transformer"". L"idée de transformation d"une apparence ou forme en une autre est commune dans la littérature grecque et latine. Deux expériences latines très populaires illustrées par Ovide et Apollon, sont appelées ""metamorphoses"", ce qui est une translitération venant du grec. La première est une série de contes incluant des êtres surnaturels aussi bien que des humains, qui expérimentaient différentes qualités de transformation. Apollon décrit, dans un style autobiographique un être transformé en un âne et finalement un être restauré par le pouvoir de la déesse Isis. La dernière expérience illustre le concept d"un changement religieux et un élargissement idéalisé dans la littérature hellénistique. Elle diffère significativement de l"expérience du Nouveau Testament de 2 Corinthiens 3. 18, aussi bien de celle du Christ dans la transfiguration.
II- LA TRANSFIGURATION DANS LA BIBLE
1. Scènes de transfiguration dans l"A.T.
Il n"y a pas de données linguistiques pratiques dans l"Ancien Testament, mais deux passages spécifiques fournissent un arrière-plan.
a)- En Exode 34: 29-35, les traits du visage de Moïse brillèrent après son entretien avec Dieu sur la mont Sinaï. Cette expérience éclaircit 2 Corinthiens 3: 18
b)- La vision de Daniel (10: 5ss). Cette vision n"implique pas une transfiguration spécifique ou transformation mais une image apocalyptique utile dans l"étude de la description de la transfiguration de Jésus. Daniel 12: 3 décrit aussi l"éclat des sages à la prochaine résurrection.
2. La transfiguration dans le N.T.
Le mot ""transfiguration"" est employé quatre fois dans les écrits du Nouveau Testament. Aussi est-il apparemment et délibérément évité une fois. Les textes néotestamentaires faisant référence à la transfiguration sont: Mt. 17: 2; Mc. 9: 2; Rom. 12: 2 et 2 Co. 3: 18. L"omission est marquée dans le récit lucanien de la transfiguration, ""probablement parce que Luc ne voulait pas employer un terme qui inciterait à une comparaison avec les idées païennes de transformation""[25]Dans Matthieu 17: 2 et Marc 9.2, le mot est employé pour décrire des traits du visage (Matthieu seulement) et des vêtements (Matthieu et Marc) du Christ. Pour comprendre la signification et l"importance du terme ""transfiguration"", les deux textes précités et aussi les récits de Luc 9 et 2 Pierre 1 doivent être approfondis. Matthieu 17: 2 utilise l"image de l"éclat du soleil. Luc 9: 29 incorpore le concept de la transfiguration sans faire usage du terme. Ainsi de loin, une comparaison doit être tirée avec l"éclat de la face de Moïse en Exode 34, bien que dans la terminologie de la Septante, le mot ""face"" est différent.
L"expérience de la transfiguration était clairement comprise et rapportée par les apôtres comme un événement actuel. Elle était aussi appelée une ""vision"" (horama, Mt. 17: 9), un mot qui se réfère souvent à quelque chose d"observable et qui a une qualité ou une origine surnaturelle (cf. Ac. 17: 31;9: 10, 12; 1 Cor. 10: 17,19).Le récit de Marc, qui est habituellement considéré comme primitif, l"appelle simplement ""ce qu"ils avaient vu"". Les trois évangiles synoptiques lient l"événement avec la séquence narrative précédente. L"issue est complexe, incluant des présuppositions au sujet de l"influence hellénistique sur la pensée de l"Eglise primitive et des catégories littéraires. Il est important d"admettre une vision du monde et un contexte biblique entier au guide primitif sur de telles matières. Ainsi donc, les commentaires de Pierre, selon lesquels Jésus reçut l"honneur et la gloire du Père alors que Dieu le déclara être son Fils (2 Pi. 1: 17) montrent Jésus l"objet digne de glorification. Cela est différent de la manifestation d"une essence divine à travers la transformation miraculeuse de quelque figure semi-mythique hellénistique.
Très tôt, des théologiens pensaient que la transfiguration était une manifestation de la gloire intérieure essentielle à Christ. Alors un autre caractère unique de la transfiguration de Jésus est que les trois évangiles synoptiques mentionnent les vêtements resplendissants tandis que la face devait montrer une gloire intérieure. Les deux autres usages du terme ""transfiguration"" qui racontent l"expérience des chrétiens, se trouvent dans Ro. 12:2 et 2 Co. 3. 18. Mais 1 Co. 4: 6; 2 Co. 11: 13-15 et Phil. 3:2 et 3:18, mentionnent aussi le terme. Il implique un changement de forme d"une personne ou d"une chose. Enfin, dans le contexte de 2 Co. 12, transfiguration avait le sens de ""déguisement"" ou ""mascarade"". Il donne l"image de Satan qui se transforme en ange de lumière et des faux maîtres prétendant en être de véritables. Dans une application totalement différente, Paul l"emploie dans Phil. 3. 21 pour décrire la transformation à venir par la puissance de Dieu.
III- GENRE LITTERAIRE DE LA TRANSFIGURATION
Diverses explications qui traduisent l"embarras des interprètes ont été données pour déterminer le genre littéraire auquel appartient ce récit. Pour H. Riesenfeld, la transfiguration a été considérée comme une scène d"intronisation. D"après F. Gils, elle est une vision prophétique. Selon R. Silva, elle est une épiphanie divine, et deux autres théologiens, L. F. Riva et R: H. Gause, parlent respectivement d"un midrash et d"un récit cultuel. A considérer l"avis de F. Bovon, on ne peut poser le problème du genre littéraire de la transfiguration en dehors de l"histoire des religions. Avec lui, il faut voir derrière notre récit la tradition du Sinaï d"Exode 34: 29-35 et derrière la voix divine l"idéologie vétérotestamentaire du Roi et du Messie, le tout étant coloré de façon apocalyptique. Mais la tradition juive peut-elle à elle seule suffire pour déterminer le genre littéraire de l"événement de la transfiguration?
La thématique de la Polymorphologie comprend des ""apparitions simultanées ou successives d"un même être sous des formes différentes et destinées à être vues. Il faut distinguer, malgré le manque de commentaires sur ce point divers types de Polymorphologie qui ne présupposent pas tous le docétisme. En effet, la polymorphologie donne une triple explication.
1)- La transfiguration de Jésus dans sa forme humaine et divine.
2)- Le caractère d"épiphanie de la scène.
3)- Le triade Moïse- Elie- Jésus.
Comme guide humain, Jésus est dans la ligne juive de Moïse transfiguré et du Messie sous ses diverses représentations: comme envoyé de Dieu, il est dans la ligne non-juive des divinités polymorphes. Suivant la tradition juive, l"Elu est enlevé dans sa sphère céleste. Suivant la tradition hellénistique, la divinité miséricordieuse apparaît et s"abaisse. Ces deux mouvements, élévation et révélation, affirment sur le mode narratif, une christologie à deux niveaux pas encore très claire, que l"on retrouve dans le genre de la confession de foi.
1. La transfiguration: Théophanie ou Christophanie
Beaucoup veulent considérer la transfiguration comme une théophanie, soit à cause de la lumière qui brillait, soit à cause de la crainte que cette présence de la gloire de Dieu a inspirée. Mais était-ce vraiment une théophanie ou une christophanie?
Le terme ""théophanie"" vient du grec ""theos""= Dieu et ""phaïnein""= faire briller, montrer. En ce sens, théophanie exprime une apparence ou une manifestation passagère d"un être divin ou de Dieu à l"homme.
a) Les théophanies de l"A. T.
Dans l"Ancien Testament, Exode 3 décrit comment l"ange de l"Eternel apparut à Moïse dans une flamme de feu, dans un buisson ardent. Ainsi, la théophanie inclut une vision de Dieu et une audition de sa voix. Dans la théophanie majestueuse d"Exode, l"Eternel vient personnellement à Israël, déguisé dans la partie la plus majestueuse de la nuée (v. 9).
b) La transfiguration de Jésus et la théophanie du Sinaï
La scène de la transfiguration évoque les théophanies dont Moïse et Elie furent les témoins sur la montagne de Dieu (Sinaï – Horeb: Ex. 19: 19ss; 24: 15-18; 1 Rois 19: 8-18). Dieu ne manifeste pas seulement sa présence en parlant du milieu de la nuée et du feu (Deut. 5: 2-5) mais en présence de Moïse et d"Elie, Jésus apparaît aux disciples, transfiguré par la gloire de Dieu. Cette gloire suscite leur frayeur, crainte religieuse devant le divin (Luc 1. 29) mais elle provoque aussi une réflexion devant la gloire de celui dont il a confessé la messianité. Dieu va habiter avec les siens comme l"ont annoncé les prophètes des temps messianiques. Toutefois, la gloire n"est pas celle du dernier jour; elle ne fait qu"illuminer les vêtements et la face de Jésus comme jadis elle irradiait la visage de Moïse (Ex. 34: 29, 35). Elle est la gloire même du Christ (Luc 9: 32) qui est le Fils bien-aimé, comme le proclame la voix qui sort de la nuée.
La transfiguration de Jésus constitue l"une des occasions où la divinité se manifeste à travers son humanité pour rencontrer l"éclat du ciel. C"était au moment où il priait et que les disciples dormaient que cette mystérieuse transformation eut lieu. La description de l"expérience par les trois évangiles ne laisse aucune suggestion que c"était une expérience subjective de la part des disciples ou peut-être seulement de Pierre. C"était plus qu"un rêve ou une hallucination due à la lassitude après le voyage de la journée et la tristesse au sujet de la prédiction du Christ de sa mort. C"était une expérience réelle. Des années plus tard, Pierre déclara que lui et ses camarades étaient ""témoins de la majesté, de l"honneur et de la gloire de Jésus et témoigna avoir entendu la voix proclamant la filiation de Jésus au Père (2 Pi. 1. 16-18). L"apôtre présente cette expérience comme l"une des grandes confirmations de la foi chrétienne.
A un peuple rituellement préparé (v. 14, 15) au temps désigné (v. 16), accompagné de tonnerres, d"éclairs, d"une nuée épaisse et au son de trompettes, l"Eternel descendit dans le feu sur la montagne pour leur parler. Il n"était pas permis au peuple de monter pour ne pas contempler cette scène, mais Moïse y alla. Des éléments naturels, des traits cultuels et un langage mythologique combinent pour exposer la théologie suprême de l"A. T. De celui-ci et d"autres passages théophaniques, les traits caractéristiques suivants émergent: l"initiative divine, différentes formules révélatrices, la rencontre et la relation entre Dieu et la partie humaine, le récit du but de la théophanie et la crainte révérencielle de la partie humaine. Ici, la transfiguration ne réunit déjà que quelques éléments d"une théophanie ordinaire et normale.
Dans le N. T., des références sont faites aux théophanies vétérotestamentaires. Nous pouvons citer Actes 7: 3 et Hébreux 12: 18 et 29. Il existe aussi des accompagnements de théophanie comme:
1)- Le feu: Ac.2: 3; 1Cor. 3: 13; 2 Thes.1:17.
2)- Des anges: 2 Thes. 1: 17.
Il y a peut-être un nombre d"angélo-théophanies dans le livre des Actes comme Ac. 5: 19; 8: 26; 10:3; 12: 7; 27: 23; et Mt. 4: 11, Mc. 1: 13; Lc. 22: 43.
3)- Le chérubin de gloire: Héb. 9: 5.
4) – La gloire: Lc. 2: 9; 1Co. 15: 40; 2 Co. 3: 7.
En réalité, il y a dans le N. T. de vraies théophanies car leur place est prise par la manifestation de Dieu de manière imminente et est décrit dans la terminologie de la théophanie (Mt. 16: 27; 24: 30; 26: 64; Mc. 8: 38; 13: 26, Lc. 9: 26). Il est vrai que dans les grands événements de Jésus et dans sa vie même que c"est Dieu lui-même qui s"est manifesté à ses disciples, Jésus étant le ""Dieu avec nous"".
A la transfiguration, nous n"avons pas tous les éléments des théophanies de l"A. T. comme les éclairs, les sons de trompettes, le feu, mais la divinité a été manifestée dans toute sa plénitude. Le Fils de Dieu était là et la voix du Père a parlé du haut des cieux, et la nuée resplendissait. Au Sinaï, Moïse ne représentait qu"une communauté en tant qu"agent humain. Mais sur la sainte Montagne, c"est plus étendu. Premièrement, les trois disciples représentent un témoignage complet car le témoignage de deux ou trois témoins est irréfutable. La transfiguration étant une image en miniature du retour de Jésus, les trois disciples constituaient les prémices de tous ceux qui auront à prendre part à cet événement glorieux. D"autre part, par la présence de Moïse et d"Elie, la race humaine est représentée à la transfiguration car l"un tenant place de ceux qui feront l"expérience de la résurrection et l"autre, la place de ceux qui ne passeront point par la mort.
Si nous définissons la théophanie comme la manifestation d"un être divin ou de Dieu à l"homme, nous pouvons aussi retrouver le sens du terme Christophanie. Dans la christophanie, nous avons les deux mots grecs ""christos""= Christ et ""phaïnein""= briller, montrer. Donc, christophanie exprime elle aussi une manifestation de Christ à l"homme, mais du Christ dans sa gloire. Nous avons déjà vu que la transfiguration ne réunit que quelques éléments d"une théophanie ordinaire et normale. Ainsi, nous dirons que la transfiguration de Jésus a été plutôt une manifestation du Christ dans sa gloire à ses disciples comme il le leur a dit. C"est plutôt une christophanie au lieu d"une théophanie.
IV- LA BIBLE ET LE MYTHE
Comme nous l"avons déjà défini, dans un sens très étroit, un mythe est une histoire au sujet des dieux ou d"autres êtres surhumains, ou encore une manière d"expliquer une habitude ou un phénomène naturel. Dans un sens plus large, le mythe est cette expression de l"imagination créative qui interprète le réel en termes de situation continue. Mais c"est aussi associé au sens mythique. Le sens mythique est celui que l"on donne aux passages de la Bible que l"on considère comme simples mythes. Or, le mythe peut aussi se définir d"une façon générale comme un récit qui a les apparences de l"histoire sans en avoir les réalités et dont toute la vérité réside dans l"idée qui l"a inspiré et à laquelle il sert de vêtement, ou dans le fait primitif qui a été son point de départ et dont il est devenu comme l"illustration[26]
Le mythe a joué un rôle important dans la formation des traditions les plus anciennes, communes aux peuples de l"Antiquité. Chez les Perses, les Grecs et les Latins, le Germains et les Slaves comme chez les Assyriens et les Egyptiens, nous trouvons un grand nombre de légendes merveilleuses qui paraissent comme autant de solutions données par l"imagination populaire aux questions qui intéressaient l"humanité dans son enfance. D"où vient le monde? Pourquoi le ciel et la terre? Pourquoi les mouvements des astres et les saisons? Comment l"homme est-il venu à l"existence? Quelle est l"origine des peuples, des villes et des arts? Les mythes conçus en réponses à ces diverses questions reposent généralement sur une conception animiste de l"univers, consistant à supposer aux phénomènes naturels des agents conscients et libres et à rapporter toutes choses à une multitude de dieux, demi-dieux et héros. De là ces contes fantastiques où se sont données libre cours d"abord l"imagination, la curiosité enfantine, la poésie spontanée de la foule, plus tard les combinaisons réfléchies des poètes, harmonisant leurs symboles, ou des scribes sacrés, revêtant leurs leçons morales et religieuses au voile de l"allégorie. D"autre part, à côté de cette mythologie proprement dite, se rapportant aux origines des choses, il y a tous les mythes dont abonde l"histoire des ancêtres et des grands hommes de la nation, transformés et idéalisés par l"effet du prestige.
1. La démythologisation
Le programme de démythologisation commence avec l"idée que toute mythologie exprime une vérité, pensée dans une voix désuète. En effet, cette méthode est principalement de Rudolph Bultmann. Pour lui, il importe dans le Nouveau Testament, de démêler l"événement du Sauveur de ses adjonctions mythologiques, qui seraient des créations postérieures dues, non pas à Jésus mais aux premières générations chrétiennes de s"annexer, de rationnaliser, d"expliquer cet événement révélateur et salutaire qu"était Jésus. La mythologie, largement répandue du Nouveau Testament, crée des difficultés dans l"enseignement et la prédication. En effet, depuis Bultmann, la théologie moderne parle de démythologisation de la Bible. Elle entend par là que l"on devrait expurger les Saintes Ecritures de tous les concepts pseudo-scientifiques incompatibles avec nos conceptions actuelles de toutes les objectivations concernant Dieu et le domaine de la foi. Ainsi ce fameux historien de Marburg entendait par ce mot que le Nouveau Testament s"était exprimé à propos du personnage historique de Jésus d"une manière mythologique. Pour lui, l"Eglise a exprimé son espérance en termes mythologiques lorsqu"elle mit en en forme ces récits. Il est vrai qu"après la crucifixion et la résurrection de Jésus, un mythe s"est développé: le mythe christologique. Dans le but d"expliquer la signification de cet événement, les premiers chrétiens présentaient leurs croyances en une grande variété de tableaux. La foi en Jésus le Messie et le Fils de Dieu, comme Rédempteur et juge à venir du monde, conduisait aux images de la naissance surnaturelle (Mt. 1; Lc 2). La christologie du Nouveau Testament montre une pluralité d"interprétations quoiqu"il paraisse difficile de déterminer un clair développement historique. D"autre part, Jésus apparaît comme le ""Fils bien-aimé au baptême et à la transfiguration. En plus, sa préexistence est affirmée (Phil. 2: 6ss) et il participe à la création du monde (Héb. 1:2). Dans Apocalypse 12, nous avons une image complète présentant l"événement du Christ. Les prodiges sont changés en mirages afin de prouver la divinité du Jésus historique.
La question a souvent été discutée, à savoir si Jésus de Nazareth est une personne historique ou simplement une figure mythique. Aujourd"hui il est clair que nous avons assez de sources, tant chrétiennes ou non, pour rejeter les doutes de l"historicité de Jésus et des événements de sa vie comme la transfiguration. Le programme de démythologisation commence avec l"idée que toute mythologie exprime une vérité, pensée dans une voie désuète. Comment interpréter cette méthode, ce programme?
2. Interprétation de la méthode de démythologisation de Bultmann
La méthode de l"interprétation existentialiste présuppose que les mythologies n"ont pas exactement leur point où elles portent en des termes objectifs et anthropomorphiques au sujet de Dieu. La question posée dans cette méthode se porte sur l"existence de l"homme, la compréhension propre de l"homme devant Dieu, au milieu du monde et dans l"histoire. Toutefois, en évaluant cette méthode, nous pouvons affirmer que l"approche de Bultmann et son programme de démythologisation est le résultat d"un compromis avec la haute critique biblique. Elle ramasse l"héritage d"un libéralisme théologique au début du 20e siècle et les idées basiques de la théologie de crise, mais conduit au-dessus de deux positions en évitant leurs perfections. La principale intention de cette méthode est hermétique.
Les critiques d"un arrière-plan plus fondamental rejettent la démythologisation en affirmant que l"objectivité des faits et récits sacrés est dissoute en subjectivité. Les critiques d"un arrière-plan libéral et unitaire affirment que l"approche de démythologisation n"est pas assez radicale. Ils pensent que celle-ci doit être une présupposition théologique donnée comme telle dans l"événement du Christ Jésus, nécessaire pour préserver la foi comme ""foi"". Il est vrai que l"approche de Bultmann est riche et fournit une stimulation fructueuse pour l"exégèse et la prédication. Toutefois, nous ne saurons accepter une telle méthode car elle laisse comprendre que la Bible contient des mythes. En effet, comme nous le verrons, dans ce même chapître, les conditions dans lesquelles la Bible fut écrite et transmise, surtout les Evangiles, ne pouvaient donner lieu à des récits imaginaires quelconques. Bultmann lui, affirme que le N.T. doit être purgé de ses adjonctions mythologiques. Il est raisonnable que dans la littérature grecque et latine, ces récits de transfiguration existaient mais cela n"est pas un fait pour le théologien de Marburg d"affirmer que les évangiles contiennent des mythes. Ainsi donc, le programme de démythologisation de Bultmann n"a aucun fondement. C"est pour cela que nous ne l"acceptons nullement pour vrai. Pour notre part, nous rejetons toute théorie de démythologisation de la Bible, en particulier des Evangiles sous quelle que soit la forme, car dire que la Bible renferme des mythes, c"est vouloir faire naufrage à la foi chrétienne. Cela revient en même temps à affirmer que les Evangiles suspendraient d"être une révélation divine. La Bible serait alors l"effet du hasard et non l"expression de la volonté divine. La démythologisation et son tenant ne peuvent trouver de crédit chez le chrétien qui vit de la Parole de Dieu.
V- LE TEMOIGNAGE DE PIERRE SUR LA TRANSFIGURATION
L"apôtre Pierre fut témoin de la transfiguration de Jésus. Il écrit:
""En effet, ce n"est pas en nous mettant à la traîne de fables tarabiscotées que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus-Christ, mais pour l"avoir vue de nos yeux dans tout son éclat…Et cette voix, nous-mêmes nous l"avons entendue venant du ciel quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. De plus, nous avons la parole prophétique…"" 2 Pi. 1: 16-19a T.O.B.
Pierre, disciple de Jésus, parle de fables intelligemment conçues, de mythes artificiellement planifiés. Il se réfère ici sûrement aux mythes païens au sujet de la descente des dieux sous un aspect humain, ou probablement, il avertit contre les enseignements propagés par les faux docteurs. Il se présente dans sa seconde épître comme un témoin oculaire et auriculaire de la majesté du Christ pour prouver que les chrétiens ne croient pas en des mythes mais qu"ils croient au don de Dieu d"honneur et de gloire à son Fils bien-aimé et que celui-ci rendit plus sûre la parole prophétique au sujet de l"événement du Christ. Etant témoin oculaire de cette scène de la vie du Fils de Dieu, Pierre est raffermi dans cette espérance et travaille à aider les autres disciples à se préparer pour la parousie du Seigneur, dont la transfiguration est un avant-goût. Aussi déclare-t-il: ""Ce n"est pas en nous mettant à la traîne de fables tarabiscotées…mais pou l"avoir vue de nos yeux…Et cette voix, nous-mêmes, nous l"avons entendue…""2Pi. 1: 16.
Le fait que les apôtres avaient été témoins de la vie, du ministère, de la mort, de la résurrection et de l"ascension de Jésus, les convainquit qu"il était vraiment le Messie promis et le Fils de Dieu. Cette conviction attribua une puissance irrésistible au message qu"ils proclamaient (Luc 1: 2; 1Jn. 1: 1-3).
Le pronom emphatique ""nous"", utilisé par l"auteur de la seconde épître de Pierre fonde l"autorité personnelle des trois apôtres comme témoins. Il témoigne: ""nous étions avec lui"". L"emploi subtil mais clair de ce ""nous"" dans le récit, est digne de confiance. Pierre et ses compagnons avaient personnellement été présents avec Jésus au moment de la transfiguration et étaient alors pleinement qualifiés pour témoigner concernant sa réalité et son importance. L"enseignement que donne l"apôtre Pierre n"est pas attaché à des fables habilement inventées, ""tarabiscotées"" (T.O.B.). L"argumentation de l"apôtre est dirigée contre les hérétiques. En effet, ceux-ci suivaient des fables car quelques-uns pensent à des spéculations suspectes de gnose, comme les erreurs dont parle Saint Paul dans ses épîtres pastorales (1 Tim. 14: 4; 4: 7; Tt. 1: 14). Il est plus indigné de voir une allusion aux hérésies touchant la parousie. Celle-ci était de la part des faux docteurs un objet de moquerie (2 Pi. 3: 3, 4). Aussi était-elle traitée par eux de fables sophistes. Or la transfiguration fut une image de cette parousie. Pierre, témoin vivant de cette grande gloire à venir, n"a pas peur de se sacrifier pour pouvoir augmenter le nombre des disciples. On dirait, s"il était capable, il porterait tout le monde à voir cette belle et solide espérance comme lui. La prophétie comme la transfiguration, attestent pour Pierre, la véracité de l"enseignement apostolique touchant la parousie. La rédaction de l"épître se lance dans une véritable polémique contre les faux docteurs qui ne croyaient pas au retour du Christ.
Dans ce passage, Pierre rapporte comment il avait été spectateur de la grandeur de son Maître, de l"honneur et de la gloire dont celui-ci fut entouré. L"apôtre rappelle donc à ses lecteurs qu"il a assisté à la transfiguration, événement inscrit dans le temps et dans l"espace, d"où le Père a rendu un témoignage authentique de son Fils. Des fables habilement conçues caractérisaient les systèmes théologiques des spéculateurs gnostiques. ""Vu de nos yeux"" (2 Pi. 1: 16c) rappelle d"autres affirmations comme celles de 1 Pi. 1: 5; Luc 1: 12; Jn. 1: 14; 1 Jn. 1: 1-3. C"est ainsi que Pierre parle de la transfiguration. De toute évidence, il fut témoin de cette scène glorieuse. Après avoir été témoin oculaire et auriculaire de cet événement, il en a fait part aux disciples qui n"étaient pas présents.
La transfiguration est un événement important; elle a une haute portée eschatologique. Puisque beaucoup ont considéré cette transfiguration du Seigneur comme une spéculation, cette raison a peut-être motivé les autres apôtres à ne pas en parler. Mais Pierre, préoccupé par ce phénomène, nous en parle non comme venant de fables conçues des hommes mais comme un événement réel dont lui-même fut le témoin.
VI- TRANSFIGURATION ET PAROUSIE
La pleine compréhension d"une corrélation entre transfiguration et parousie dépendra en grande partie de l"interprétation des expressions ""puissance"" et ""avènement"". Les deux termes pourraient se référer aux faits historiques de la vie de Jésus sur la terre mais événement généralement réservé dans le N. T. à la seconde venue du Seigneur (Mt. 24: 3, 27; 1 Thes. 3. 13). Dans ce cas, les mots réunis pourraient désigner ce qu"ailleurs on présente comme ""l"avènement en puissance"" de Jésus (Mc. 13: 26; 14: 62). Une autre interprétation explique ""la puissance"" comme faisant allusion à la transfiguration et l"avènement ou retour du Christ, association d"idée que l"on trouve dans Mc. 9:10. La transfiguration, répétons-nous, était certainement une anticipation de la parfaite gloire du Christ qui sera révélée à son retour. Les versets 17 et 18 précisent dans quelles circonstances Pierre et les apôtres ont ""vu"" le Seigneur. Pour l"instant, il faut établir fermement que toute connaissance du Christ, reçue et transmise, se fonde sur le témoignage: "" la puissance et la venue"", soulignant la christologie élaborée de la seconde épître de Pierre. Il faudrait alors les traduire par ""puissante venue"", ""puissance de la venue"" ou encore ""venue en puissance"", qui d"ailleurs ne changerait pas beaucoup le sens. En revanche, il vaut mieux s"arrêter pour finir au mot ""parousia""= venue.
S"agit-il de la venue eschatologique du Seigneur, de la ""parousie"" au sens technique et futur du terme (le retour de Jésus)? Ou bien s"agit-il de la venue du Christ au sens de l"incarnation, du ministère historique, de la mort ou de la résurrection, ou enfin, à la fois les deux venues?. Mais le mot parousie désigne presque toujours dans le Nouveau Testament, la venue eschatologique de Jésus. Eric Fuchs[27]traduit ainsi 2 Pierre 1: 16:
""Nous vous avons fait connaître pour en avoir été témoins privilégiés, qu"il est venu et qu"il reviendra. Aussi, la pensée de Pierre révèle-t-elle sinon très originale du moins très équilibrée: son eschatologie se polarise sur l"accomplissement final mais aussi sur la première venue, qui garantit et fonde cet accomplissement""[28]
Le terme du dessein de Dieu ne sera révélé en clair que lorsqu"il prendra corps dans l"événement eschatologique. Pourtant, Dieu a déjà commencé d"en donner obscurément connaissance à son peuple à partir des événements de son histoire. Des expériences comme l"Exode, l"Alliance sinaïtique, l"entrée en terre promise dans l"A. T.; la transfiguration, le Souper pascal, la résurrection dans le N. T., n"étaient pas des accidents dénués de sens. Actes de Dieu dans le temps humain, ils portaient en eux-mêmes la marque de la fin que Dieu poursuivit en dirigeant le cours de l"histoire. Ils en esquissaient progressivement les traits. C"est pourquoi ils peuvent déjà nourrir la foi du peuple de Dieu. Ainsi donc, l"Histoire Sainte, avec tous ses composants (événements, personnages, institutions), possède ce qu"on peut appeler un symbolisme eschatologique: manifestation partielle des desseins de Dieu à un niveau encore imparfait: elle montre de façon voilée vers quel terme chemine ce dessein.
VII- FAUDRA-T-IL ADMETTRE DES MYTHES DANS LA BIBLE?
""Si par mythe, dit P. Lagrange, on entend une théorie affirmée et fausse sur l"origine des choses, le mythe peut se trouver dans la Bible; si par mythe, on entend une manière familière et populaire, métaphorique, si l"on veut, de dire des choses vraies, le mythe pourra figurer dans la Bible…"" [29]
Plus récemment, des théologiens comme Loisy, Strauss, etc., ont repoussé résolument l"appellation ""mythe"", la réservant à la mythologie polythéiste et lui substituant celle d"histoire allégorisée et légendaire. L"opinion commune se soulève à cette pensée et ne veut pas entendre prononcer le mot. Naturellement, ces théologiens ne tiennent pas au mot, s"il fait la peine. Ils le trouvent plutôt commode pour exprimer la ressemblance, du moins extérieure, entre les mythes et l"histoire primitive. Hidelbrand par exemple pense pour sa part qu"il vaut mieux écarter définitivement le mot parce que l"usage attache au mot ""mythe"", l"idée d"une religion fausse et même puérile. ""Comme le mythe dans l"opinion commune signifie l"histoire des dieux, nous disons qu"il n"y a pas de mythe dans la Bible""[30]
La question du mythe peut être résolue d"une manière particulièrement décisive si l"on aborde les écrits du Nouveau Testament. De nos jours, on a des moyens suffisamment assurés pour vérifier l"origine et la valeur historiques des écrits, surtout des Evangiles synoptiques qui en forment la partie principale. Dans son Introduction de la Vie de Jésus, Strauss fit cette déclaration à propos des récits évangéliques:
""Tandis que les cercles mythiques, chez les Grecs et Latins, sont formés par le recueil de légendes sans garantie, l"histoire biblique a été rédigée par des témoins oculaires, ou du moins par des gens qui, d"une part, ont été en raison de leurs rapports avec des témoins oculaires, en état de raconter la vérité, et, d"autre part, ont une probité si manifeste, qu"il ne peut rester aucun doute sur leur intention de la dire""[31]
L"hypothèse de Strauss a été depuis, reconnue de plus en plus fondée. Actuellement, les critiques sont unanimes à placer la composition des Synoptiques dans la seconde moitié du premier siècle, et aussi à reconnaître que, si ces évangiles ont été rédigés seulement au cours de la deuxième génération chrétienne, ils reposent néanmoins sur des traditions orales et des documents écrits appartenant à la première génération où vivaient encore les témoins de la vie de Jésus. Le second Evangile est bien celui de Marc, héritier immédiat des souvenirs de saint Pierre. Quant à Saint Luc, il déclare avoir puisé ses renseignements en de bonnes sources, et la critique constate qu"il a de fait utilisé abondamment des documents plus anciens. Enfin, l"on s"accorde à reconnaître que le premier Evangile a au moins un certain rapport avec Saint Matthieu, qui en est l"auteur. Dans ces conditions, le champ libre pour l"élaboration du mythe se trouve extrêmement restreint. C"est au cours de la première génération, au sein de la toute première Eglise que l"on est contraint de placer le travail d"idéalisation et de transformation prétendu.
""Les Evangiles synoptiques ne sont pas des documents proprement historiques mais un produit et un témoignage de la foi ancienne, le document principal de son histoire""[32]
L"enseignement du Sauveur a été adapté au besoin de l"Eglise naissante, et même un travail d"idéalisation progressive, d"interprétation symbolique dogmatique s"est opéré sur les faits: au critique donc de démêler ce qui est souvenir primitif de ce qui est appréciation de foi et développement de la croyance chrétienne. Et l"on se pose la pertinente question, à savoir: les récits synoptiques ont-ils été influences par des traditions païennes?
Si l"on veut se soustraire au préjugé et vérifier d"une manière impartiale dans quelle mesure les relations synoptiques risquent d"avoir été influencées par la tradition, le seul procédé logique consisterait de porter l"examen sur quelques points importants des Evangiles où l"histoire primitive s"était particulièrement prêtée à subir les influences de la foi et où nous pouvons nous assurer si de fait elle les a subies ou non, cette foi de l"Eglise nous étant connue par des documents certains, telles que les épîtres de Paul. Ces points, sur lesquels le travail de vérification critique peut se faire dans des conditions particulièrement favorables, sont par exemple la description de l"idéal messianique, le portrait des apôtres, l"idée de la préexistence céleste et la divinité du Christ. Mais nous ne nous arrêterons pas à les vérifier pour le moment. Or, sur tous ces points, l"examen aboutit à des résultats tout à fait significatifs qui vont rassurer pleinement sur la fidélité historique de nos documents.
En définitive, l"étude détaillée des Evangiles vérifie ce que garantissaient déjà l"origine de ces livres et les conditions dans lesquelles ils ont été rédigés, à savoir qu"ils ne sauraient être soumis au système d"interprétation mythique proposé par les critiques indépendants. Par cela même, nous sommes en droit d"affirmer que la transfiguration de Jésus ne saurait être un mythe mais un événement vécu dont le récit nous soit transmis dans les Evangiles et confirmé par l"apôtre Pierre dans sa seconde épître. Le résultat de cet examen relativement aux écrits évangéliques et donc au récit de la transfiguration, pour lesquels les moyens de contrôle sont multiples et de plus à notre portée, va même confirmer dans une certaine mesure ce qui est de la véracité des écrits de l"Ancien Testament et à nous assurer que dans la Bible, il n"y a pas de place pour les mythes.
Ainsi donc, dans les Evangiles et dans la Bible entière, nous trouvons des récits dignes de confiance, reconnus pour vrais par la première génération chrétienne et transmis aux autres générations, jusqu"à nous. Une fois de plus, nous pouvons affirmer que la transfiguration est un événement réel, une expérience vécue par Jésus et ses disciples. L"ensemble des témoignages bibliques tourne notre espérance vers l"avènement du royaume et du Seigneur Jésus. La transfiguration est une étape importante dans cette attente. Elle la rend plus assurée. Elle confirme l"autorité et le crédit que nous sommes appelés à donner au témoignage prophétique et apostolique. Par conséquent, nous avons entre les mains les preuves de la vanité des enseignements des faux docteurs, en même temps que les moyens de leur tenir tête et de les dénoncer. Ainsi, donc, le fait que beaucoup de théologiens ont affirmé que la transfiguration est un mythe, est purement en contradiction avec les lettres de la Bible. Avec le témoignage de Jean et surtout de celui de Pierre, nous affirmons que cette scène a été vécue par Jésus et ses disciples. Donc, nous devons nous méfier des faux enseignements à propos des événements de la vie de Jésus et de la Bible en général. La transfiguration fut une réalité et constitue encore l"événement préfigurant la gloire du royaume à venir et du retour de Jésus.
CHAPÎTRE III
La transfiguration dans le contexte du salut
Le glorieux événement de la transfiguration du Seigneur Jésus, considéré à juste titre comme l"une de ses plus étonnantes expériences, n"a pas reçu l"attention qu"il méritait dans les enseignements et les prédications de nos contemporains. Pourtant, ce fut la seule occasion où toute la gloire de la personne divine de Jésus put resplendir. F. F. Bruce exprime le sentiment général en disant que ""cet événement est l"un des passages de l"histoire terrestres du Christ qu"un interprète préfèrerait respectueusement passer sous silence""[33]En effet, qui est assez compétent pour parler de cette merveilleuse scène nocturne dans la montagne, au cours de laquelle le ciel descendit sur la terre pendant quelques courts moments, et le corps mortel de Jésus resplendit d"un éclat céleste? Le privilège mémorable d"être présents à cette occasion ne fut accordé qu"à trois de ses disciples les plus intimes. Ils étaient intimes parce qu"ils étaient prêts plus que les autres à payer le prix de le suivre de près. Comme eux, chacun d"entre nous doit être aussi près du Seigneur qu"il désire l"être vraiment. Pour ces trois disciples, ce fut une expérience inoubliable. En lisant le récit de Jean, écrit un demi-siècle plus tard, nous pouvons presque percevoir ces paroles: ""Et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père"". Jn. 1: 14. Pierre aussi a raconté son impression inoubliable de cette expérience: ""Nous (…) ayant vu sa majesté de nos propres yeux"". 2 Pi. 1: 16. Les années qui suivirent ne servirent qu"à approfondir leur crainte et leur émerveillement.
I- IMPORTANCE DE LA TRANSFIGURATION DE LA TRANSFIGURATION
1. Pour le Christ: confirmation de sa messianité
L"événement de la transfiguration revêtait une importance capitale. Cet événement signifie sans doute beaucoup pour le Dieu-homme alors qu"il subissait des humiliations constantes. Après la grande et réconfortante confession de Pierre sur la divinité de Jésus, la voix lui confirma de nouveau sa divine filiation. Jésus avait annoncé aux disciples sa mort prochaine, et à présent, deux visiteurs célestes, Moïse et Elie s"entretiennent avec lui à propos de son ""exode"" ou ""départ"". Il avait prédit qu"il viendrait en gloire, et à présent ses disciples ont eu un avant-goût de cette gloire. A cause du manque de compassion et de perspicacité spirituelle des ses amis terrestres, ils allaient garder très précieusement dans leur esprit ce moment où l"assurance de l"approbation céleste fut renouvelée à Jésus. Cela allait aussi les rassurer qu"il ne prononçait pas des paroles en l"air en leur annonçant qu"il ressusciterait des morts et qu"il rencontrerait les Saints d"autrefois dans la gloire. Une telle expérience bénie allait l"encourager et le fortifier pour l"épreuve inexorable qui l"attendait. D"autre part, la transfiguration de Jésus renferme deux grands enseignements. Il voulait premièrement nous révéler par cet événement la gloire qu"il avait quittée pour nous et dans laquelle il devait rentrer et doit venir. Quant à nous et pour notre salut, la transfiguration révèle la gloire dont les corps des élus seront revêtus quand Jésus les prendra avec lui. Les apôtres allaient assister à un spectacle non moins étonnant qui devait leur rendre témoignage de la bienheureuse résurrection et leur montrer que les morts qui se sont endormis dans le Seigneur ne sont pas morts mais vivants pour Dieu[34]Cette apparition nous montre comme à l"œil le fait dont Jésus se servit dans une autre occasion pour prouver la certitude de la résurrection, lorsqu"il dit aux sadducéens: ""…Dieu n"est pas le Dieu des morts mais des vivants, car tous vivent en lui"". Mt. 22: 29, 32; Luc 20: 38; Rom.6: 10.
2. Pour les disciples: une nouvelle vision de la messianité du Christ
La transfiguration de Jésus en présence de ses disciples, était destinée à les confirmer dans la vérité qu"il était le Messie. Convaincus de cette vérité, ils étaient désormais décidés à ne plus le quitter car lui seul, dans le contexte du salut, détient les paroles de la vie éternelle (Jn. 6: 68). Après la transfiguration du Christ, la note évangélique témoigne ainsi à propos disciples: ""…ils ne virent personne, excepté Jésus"" (Mt. 17: 8). Les mots ""Jésus seul"" commente Ellen G. White:
""…contiennent le secret de la vie et de la puissance qui marqua l"histoire de l"Eglise primitive. Quand les disciples entendirent premièrement les paroles du Christ, ils sentirent leur besoin de lui. Ils le trouvèrent et le suivirent. Ils étaient avec lui au temple, dans les champs, au bord de la montagne. Ils étaient comme des élèves avec un professeur, recevant chaque jour de lui les leçons de vie éternelle""[35]
Pour eux, le spectacle magnifique de la transfiguration devait avoir une grande importance, confirmant du Seigneur sa mort prochaine à Jérusalem. La vision de sa gloire allait les réconcilier quelque peu avec ses souffrances car l"événement leur donnerait déjà cette vision du vrai Messie. Quand sa divinité leur fut manifestée, tout doute se dissipa. A la fin, ils furent pleinement convaincus de la prééminence du Christ, et ce souvenir allait les aider à traverser les heures sombres qui s"annonçaient.
II- LA TRANSFIGURATION: UNE TRIPLE VISION
Une triple vision fut accordée aux disciples à la transfiguration:
1. Une vision de la gloire de Jésus
2. Une vision de la croix
3. Une vision de son avènement
A- Une vision de sa gloire
""Nous avons contemplé sa gloire"" furent les paroles de Jean. C"est comme si les évangiles rivalisaient dans leur tentative de transmettre l"impression de la gloire du Seigneur à cette occasion. Matthieu écrit: ""Ses vêtements devinrent blancs comme la lumière"" (Mt. 17. 2). Luc ajoute d"autres éléments: "" Et pendant qu"ils étaient en prière, son visage se transfigura, ses vêtements devinrent d"une blancheur éblouissante comme un éclair"" (9: 29). Tous les récits mentionnent ""la blancheur éblouissante et une lumière éclatante"". En combinant les trois descriptions, nous avons la pureté de la neige, la majesté de l"éclair et la bienfaisance de la lumière venant de la personne de Jésus. C"est une expérience identique, l"expérience de la gloire, que chaque chrétien est appelée à faire.
B- Une vision de la croix
Le sujet central de conversation à cette remarquable assemblée est rapporté: ""Ils parlaient de son départ qu"il allait accomplir à Jérusalem"" Luc 9.31. Le mot traduit par ""départ"" est le même que le mot ""exode"". Ce terme fait donc référence à la croix. En effet, la croix était le centre dans la scène de la transfiguration. Pour l"homme irrégénéré, cette croix est une offense, mais pour les habitants du ciel, loin d"être une disgrâce, elle est une gloire et un honneur. Le récit de la mort et de la résurrection du Christ prend donc entre un quart et un tiers des évangiles synoptiques et la moitié de l"évangile de Jean. Ces événements étaient au cœur de la prédication apostolique. La mort et la résurrection mirent le salut à la portée de toute l"humanité. Elles rendirent possibles le ministère d"intercession du Sauveur, le jugement investigatif et la récompense éternelle qui sera accordée aux fidèles à son retour en gloire. C"est pourquoi chaque vérité de la Parole de Dieu doit être étudiée à la lumière qui rayonne du Calvaire.
C"est normal de se demander pourquoi Moïse et Elie furent choisis pour ce saint rendez-vous plutôt qu"Abraham et Ezéchiel par exemple. Etait-ce parce qu"ils étaient le deux seules personnes à avoir reçu une manifestation de Dieu lui-même (Ex. 33: 17-23, 1R.19: 19-23)? Etait-ce à cause de la nature particulière de leur propos ""exode"" qu"ils furent choisis pour s"entretenir avec Jésus de son ""exode""? Dans tous les cas, il convenait très bien que Moïse et Elie, les représentants connus de la loi et des prophètes, s"assemblaient avec Jésus sur la montagne. Pendant que les disciples assistaient à cette sainte conversation, ils furent amenés à regarder la mort imminente de leur Seigneur au point de vue céleste plutôt que de celui du monde. Nous devons aussi avoir une nouvelle vision du caractère central et crucial de la croix dans le programme de Dieu.
C- Une vision de son avènement futur
Se rappelant son impression lors de la scène sur la montagne, Pierre écrit:
""Ce n"est pas, en effet, en suivant des fables habilement conçues que nous vous avons fait connaître la puissance et l"avènement de notre Seigneur Jésus-Christ"" 2 Pi.:1: 16. Il vit dans cet événement très important l"annonce de sa puissance et de son avènement. Pouvait-il y avoir, en miniature, une image claire des caractéristiques saillantes de son avènement? Comment viendra-t-il? Comme il est apparu sur la montagne de la transfiguration, avec puissance et une grande gloire (Mt. 24: 30), il vient avec les nuées (Ap. 1: 7) et il vient dans sa propre gloire. Mais une question pertinente se pose à savoir : ""qui ira à sa rencontre""?
Iront à sa rencontre tous ceux que Moïse représente, ""les morts en Christ"", et tous ceux dont Elie fut le représentant à la transfiguration, c"est-à-dire ceux qui seront enlevés à son avènement et qui ne verront jamais la mort (1 Thes. 4: 17). En effet, ceux qui hériteront du salut vivront l"une ou l"autre de ces deux expériences: la résurrection ou la transmutation. Cela constitue l"explication des paroles énigmatiques de Jésus, celles qui précèdent l"événement de la transfiguration: "" Quelques-uns de ceux qui sont ici ne mourront point qu"ils n"aient vu le royaume de Dieu"" (Luc 9: 27). ""C"était, selon J. Oswald Sanders, ""une vision fugace au royaume devant être établi quand Christ reviendra en puissance pour régner""[36]
Une représentation du royaume de gloire sera établie au milieu des grands événements qui se produiront à la venue du Christ. Après le jugement, quand la médiation du Fils de l"homme dans le sanctuaire céleste aura pris fin, Dieu le Père fera reposer sur lui ""la domination, la gloire et le règne. ""Alors le règne, la domination et la grandeur de tous les royaumes qui sont sous les cieux, seront donnés au peuple des Saints du Très-Haut"" (Dan. 7: 27). Le royaume de gloire sera finalement établi sur la terre à la fin du millénium, quand la Nouvelle Jérusalem descendra du ciel (Ap. 20: 21). En acceptant Jésus-Christ comme notre Sauveur, nous pouvons devenir citoyens de son royaume de gloire à sa seconde venue. La vie en Christ n"est pas une vie remplie d"échecs, de désespoirs, ou de rêves déçus, mais une vie de croissance, une marche réussie avec le Sauveur. Son aboutissement final sera l"établissement définitif, la vie éternelle et la joie au royaume glorieux dont la transfiguration fut une parfaite image.
III- LA TRANSFIGURATION DANS NOTRE EXPERIENCE CHRETIENNE
Dans son récit de la transfiguration de Jésus, Luc rapporta qu"""il monta sur la montagne pour prier"" (Luc 9: 36).Comme Jésus, nous devons rechercher la solitude pour prier en secret. Jésus, se retirant seul sur la montagne, nous en donne l"exemple. En le suivant, nous éviterons le piège dangereux de l"ostentation et de l"orgueil, où nous risquons tomber quand on nous écoute prier. Ayons une retraite pour y prier chaque jour en présence de Dieu seul. C"est là surtout que nous trouverons Dieu. C"est pendant une prière faite ""à l"écart"" qu"eut lieu la transfiguration de Jésus, la plus brillante manifestation de sa gloire. De même, les témoignages les plus clairs de l"amour de Dieu seront accordés au milieu de nos prières secrètes.
La transfiguration, événement de la montagne, nous révèle en Christ une gloire sans égale. Jamais aucun des prophètes n"obtint un tel honneur. Les plus grands d"entre eux, Moïse et Elie, viennent lui rendre hommage, et Dieu le place bien au-dessus d"eux, en les invitant eux-mêmes avec toute créature, à l"écouter comme son Fils bien-aimé. Le Christ se montre donc ici à nous, honoré par ses rachetés et environné de la gloire des cieux. Selon Albert Barnes, bien que les chrétiens se doivent un amour mutuel, des préférences leurs sont permises. Christ aimait tous ses disciples et cependant, il en traita quelques-uns avec une plus grande intimité (Mt. 17: 1). De même, des rapports d"âge, d"éducation, de sentiments, peuvent unir avantageusement des chrétiens d"une manière plus intime.
D"autre part, nous avons souvent beaucoup d"amis, mais dans nos moments de peine, il en existe de plus intimes. A l"église, nous avons beaucoup de frères et sœurs, mais pour des séances de prières privées, nous n"aurons à choisir que des intimes. Pour partager nos insuccès, comme nos réussites, cela recommande la sympathie d"amis spéciaux, intimes. Par ailleurs, la mort de Jésus est d"un prix immense pour les rachetés. Moïse et Elie s"en entretenaient (Luc 9:31). Les anges eux-mêmes désirent en sonder les mystérieuses profondeurs (1 Pi. 1: 12). De cette mort qui sauve tous les rachetés, brille la plus éclatante preuve de la justice et de l"amour de Dieu. Les chrétiens devraient toujours se plaire là où le Seigneur se manifeste à eux. Pierre leur en donne l"exemple car ce n"est pas son désir de rester sur la montagne mais c"est la manière dont il l"exprime qui est répréhensible. Aussi devons-nous nous plaire dans la maison de Dieu, où Jésus se manifeste à nous comme notre Sauveur, notre ami et notre Souverain sacrificateur. Si le Christ est avec nous, s"il est notre ami, ne nous effrayons pas devant les manifestations les plus terribles de la puissance divine (Mt. 17: 7). Abandonnés à nous-mêmes, nous aurions raison de craindre, personne ne pouvant contempler Dieu et vivre, car il est un feu dévorant (Héb. 12: 29). Avec Jésus pour ami, nous pouvons courageusement affronter la mort, nous présenter au tribunal du souverain Juge et soutenir pendant l"éternité l"éclat de la splendeur divine. Au-delà de ce monde, les rachetés, dans un séjour de gloire, jouiront du bonheur éternel (Mt. 17: 3).
La transfiguration nous révèle aussi que l"Ecriture doit s"accomplir et s"accomplit chaque jour mais souvent dans les événements que nous supposons sans rapport avec elle. Ainsi donc, de faux docteurs s"efforceront de nous détourner de la vérité en nous adressant avec ruse de simples questions (Mc. 9: 14). Tenons-nous toujours en garde contre ceux qui mettent en doute ce que le Christ a clairement enseigné. L"Esprit et le Parole du Christ sont pour nous des guides infaillibles. Lorsqu"on nous présente des subtilités pour ébranler notre foi, laissons-les et allons sonder les Ecritures et prier Dieu au nom de Jésus, le chemin, la vérité et la vie, et il nous illuminera. La vision de la transfiguration est importante puisqu"elle dévoile l"identité divine de Jésus mais elle n"est pas une fin en soi. Il y a dans cet événement un enseignement fondamental qui traverse toute la Bible et qui s"accomplit en Jésus: toute la religion d"Israël comme celle du Christ est, de façon permanente, écoute de la Parole.
IV- BAPTEME ET TRANSFIGURATION
On a souvent établi un parallèle entre le baptême de Jésus et sa transfiguration. Cela ressort du fait qu"au cours de ces deux événements, une voix fit entendre des cieux cette même phrase. ""Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j"ai mis toute mon affection"" (Mt. 3: 17; 17:5). Mais qu"en est-il exactement?
Quand Jésus s"approcha du fleuve pour être baptisé, Jean, par une divine intuition, reconnut sur son front le sceau d"une pureté sans tâche. Il s"écria: ""C"est moi qui ai besoin d"être baptisé par toi…"" (Mt. 3:13). A peine est-il plongé les eaux du Jourdain qu"une vision glorieuse achève d"éclairer Jean-Baptiste. Il voit le ciel s"ouvrir et l"Esprit de Dieu descendre sur Jésus sous la forme d"une colombe. Une voix qui n"est pas de notre monde fit entendre ces mots: ""Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j"ai mis toute mon affection"". C"est maintenant que pour la première fois il connaît Jésus dans sa gloire de Fils unique et Messie. Le baptême de Jésus marque une grande date dans sa vie. On ne saurait légitimement l"invoquer contre sa sainteté parfait. Il est évident que pour le récit évangélique, cette cérémonie a revêtu pour lui un caractère exceptionnel. Jean montre clairement ses scrupules qu"il sait bien qu"il baptise un être parfaitement saint. Ainsi, le baptême du Christ a été entouré de circonstances remarquables qui en relèvent la grandeur. A cette sainte cérémonie, la voix se fit entendre du ciel. Ce que proclama cette voix est d"une part l"attribution d"un titre inspiré du Ps. 2: 7, et d"autre part l"expression du pur amour divin. La voix divine lors du baptême expose la relation intime entre le Père et le Fils. Celui-ci reçoit la révélation de son identité. La double intervention de Dieu par l"Esprit et par la Parole montre que Jésus est le Christ, l"Oint. Cette révélation inaugure son œuvre en Galilée car il est le Messie annoncé par les Ecritures, celui que Dieu devait marquer de l"onction pour l"investir de sa mission.
La voix venue du ciel fut probablement entendue de tous ceux qui étaient présents. Cette voix ou ce bruit fut répété sur la montagne de la transfiguration. On l"entendit aussi peu de temps avant la mort de Jésus, et plusieurs la confondirent avec un coup de tonnerre. C"était une déclaration publique, certifiant que Jésus était le Messie. Dans les mots ""Mon Fils bien-aimé"" au baptême comme à la transfiguration, se manifeste l"intimité de ces relations du Père avec le Fils et l"amour du Père pour son Fils. Ce passage implique que Jésus était égal à Dieu. C"est que Jésus plaisait à Dieu et était approuvé du Père comme le Rédempteur du monde. L"événement de la transfiguration est situé vers la fin du ministère de Jésus en Galilée: les foules qui l"ont suivi le quittent; les chefs juifs accentuent leurs pressions. Jésus sent bien qu"il dérange trop de monde. S"il continue, il risque la mort. Et lucidement il accepte comme un risque volontaire faisant partie de la fidélité à sa mission. Dans ce contexte, la voix sur la montagne de la transfiguration apparaît comme une réponse à la fidélité de Jésus. Ainsi donc, le baptême est l"intronisation messianique de Jésus. Le titre ""Fils"" qui lui est attribué ne sera réuni qu"après la transfiguration, étant donné que la déclaration divine lors du baptême contient les mêmes éléments qu"à la transfiguration. Au baptême comme à la transfiguration, Jésus reçoit la révélation de son identité.
Jésus, Fils de Dieu
Il n"y a pas de doute que Jésus se considérait lui-même comme Fils de Dieu. Ce sera la vue essentielle de l"investigation de l"évidence des Evangiles. Certainement les premiers chrétiens dans leurs réflexions au sujet de la personne de Jésus, étaient convaincus qu"il fut le Fils de Dieu. Ce sera nécessaire de considérer l"arrière-plan de l"emploi du titre en vue des opinions contraires sur son origine et sa part dans la conscience de Jésus. Si Jésus était le Fils de Dieu dans un unique sens, cette considération affecterait notre approche non seulement dans l"enseignement mais aussi dans tout ce qu"il faisait.
Dans les évangiles synoptiques, cette compréhension générale de Dieu comme Père implique la filiation divine de Jésus et devait être considérée comme un prélude nécessaire à l"emploi spécifique du titre ""Fils de Dieu"". En de nombreuses occasions, Jésus parla de Dieu comme ""le Père"", ""mon Père"", ""mon Père céleste"". L"évidence suggère que l"appellation de Dieu comme Père faisait partie de sa conscience de la relation paternelle de Dieu pour lui , et cela, contre l"arrière-plan de la pensé juive, et rendit si profondes la conviction et l"impression des premiers disciples.
Cette considération soulève une question importante à savoir: Jésus considérait-il que Dieu était son Père, précisément dans le même sens qu"il est le Père de tous? Bien qu"il existe des différences d"opinion sur cette matière, l"évidence supporte plus fermement la vue que Jésus était conscient d"une relation unique avec le Père. Certains peuvent supposer qu"il regardait tous les hommes comme fils de Dieu en vertu de la création. Mais tous les discours sont adressés aux disciples, et c"est contestable que l"enseignement était destiné à tous les hommes, indépendamment de leurs relations avec Jésus. En aucun cas, Jésus ne se joignait pas à ses disciples en disant ""votre Père"" car l"emploi de cette phrase dans la prière dominicale était donné spécialement aux disciples (Mt. 6: 9). Par conséquent, les gens peuvent devenir fils de Dieu (Mt. 5:45), sens qui n"est jamais appliqué à Jésus lui-même. L"approche de l"évidence synoptique doit alors reconnaître dès le début une distinction entre Dieu comme Père de Jésus et Dieu comme Père des disciples. Les évangiles synoptiques présentent un messie pleinement conscient de sa relation spéciale à dieu comme Fils. La voix divine à la transfiguration: ""Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j"ai mis toute mon affection"" (Mt. 17:), est la même entendue lors du baptême de Jésus au Jourdain (Mt. 3: 17).
Dans le récit de Matthieu, l"idée de filiation est liée au mot ""bien-aimé"", et la même expression d"affection divine est donnée. Le terme ""affection"" est cependant omise dans les textes de Marc et de Luc (Mc. 9: 2-12; Luc 9: 28-36). L"adjectif verbal ""élu"" remplace le qualificatif ""bien-aimé"" chez Luc. Le plus significatif au sujet de l"incident est que cette filiation a une liaison avec une ""transformation"". Le terme ""transformation"" doit cependant être compris. Ce n"est pas sans importance que les récits synoptiques de la transfiguration placent le compte-rendu après la confession de Pierre à Césarée de Philippe. Selon F. F. Bruce:
""Il est clair que dans les récits de la transfiguration, les disciples reconnurent que Jésus étaient plus purement humain bien que la complète merveille de l"événement ne devient intelligible qu"après la résurrection. La transfiguration le met à part des autres hommes dans sa relation unique avec le Père"".[37]
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